DOSSIER
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d’une juridiction extérieure est aujourd’hui parfois
souhaitée. En revanche, il appartient toujours à la
maison cérémonielle de débattre des conséquences
d’un drame. Aussi, la police et la juridiction extérieure
appliquent la loi nationale en ce qui concerne
le crime, tandis que les débats contradictoires de la
maison cérémonielle permettent parfois de statuer
sur les implications innombrables d’un crime de
sang. En simplifi ant, le droit étatique se pencherait
sur le sort des individus, tandis que les débats de
la maison cérémonielle envisageraient les conséquences
d’un meurtre ou d’un viol sous l’angle de
la responsabilité, l’honneur et la sécurité du groupe
des assaillants, des victimes, de leurs alliés respectifs
ou des témoins.
Il existe deux grands types de débats publics :
ceux qui font usage du siège (et ils sont rares) et
ceux qui n’en font pas usage. Mes observations
m’ont montré qu’il n’existe pas de rapports hiérarchiques
entre les deux. Ainsi l’usage du siège
n’implique pas nécessairement que le débat a plus
d’importance que celui qui n’en fait pas usage.
Il existe de nombreuses formes rhétoriques utilisées
par les orateurs du Sepik. Bateson évoque la
fi gure du bouffon26, dont les exagérations constituent
une forme canonique de l’expression publique
de la maison cérémonielle. Bateson, qui le
premier décrit de manière très détaillée les cultures
du Moyen Sepik, évoque l’utilisation de noms et
d’objets lors des discours. Noms et objets sont utilisés
comme preuves lors d’un débat. Il mentionne
par ailleurs la fabrication de faux noms ou de faux
objets destinés à s’attirer l’avantage lors de débats
contradictoires27. Pour ma part, j’ai pu observer
à Chambri un usage quelque peu différent ; outre
le fait de fabriquer des faux noms, on s’attribue
des noms et des objets appartenant à un autre clan
pour revendiquer des droits sur une terre, un rituel
ou une possession de valeur.
Bateson décrit à deux reprises le mode oratoire
centré sur l’usage du tabouret d’orateur. La première
fois, dans le double article publié en 1932, il
décrit ainsi l’usage de cet objet :
« Dans les maisons cérémonielles importantes,
on trouve généralement un tabouret plus élaboré
que le reste (Cf. Reche, Kaiserin Augusta Fluss, pl.
40, fi g. 1). Ce sont presque des chaises, le dos étant
une fi gure humaine ou une autre représentation
totémique. Ces tabourets spéciaux sont sacrés, ne