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FIG. 16 (EN HAUT À
GAUCHE) : Ornement de
ceinture royale.
Maya, Guatemala. 400-500
apr. J.-C.
Jadéite. H. : 23,5 cm.
Kimbell Art Museum, Fort Worth,
inv. AP 2004.05.
FIG. 17 (EN HAUT À
DROITE) : Pectoral.
Huastec, Veracruz, Mexique.
900-1521 apr. J.-C.
Coquillage (Turbinella angulata).
H. : 17,8 cm.
Avec l’aimable autorisation du
Middle American Research Institute,
Tulane University, New Orleans, inv.
M.28.1435.6888.
MUSÉE À LA UNE
Dans les Amériques anciennes, les matériaux
sélectionnés pour les arts de luxe étaient souvent
diffi ciles d’accès, généralement rares ou diffi ciles
à travailler, et leur possession soulignait ainsi le
contrôle d’un commanditaire sur les ressources,
y compris le travail. Le jade mésoaméricain, par
exemple, provenait de sources limitées dans la vallée
de Motagua, au Guatemala - éloignée de nombreux
centres majeurs - et était également l’une des pierres
les plus diffi ciles à sculpter (fi g. 5 et 16). La couleur,
également, était cruciale pour transmettre des idées et
a sûrement contribué à l’effi cacité perçue de l’objet.
Le riche vert-bleu de la plupart des jades, par exemple,
symbolisait la croissance fraîche et la fertilité, rendues
permanentes dans la pierre dure. Les matériaux étaient
donc sélectionnés pour ces propriétés inhérentes et
la capacité de ces propriétés à transmettre des idées
cosmologiques et à aider à atteindre les résultats
souhaités. Les coquilles de Spondylus devaient être
obtenues par la plongée, souvent à une distance
considérable de l’endroit où elles étaient fi nalement
utilisées, et étaient appelées les « fi lles de la mer,
mère de toutes les eaux » dans les Andes. Les oeuvres
faites à partir d’elles étaient, par extension, supposées
encourager la fertilité et l’abondance13.
Les arts du luxe, en outre, n’étaient pas toujours
synonyme de matériaux rares ou coûteux. Dans
la région maya, par exemple, la sculpture sur bois
atteignit des tailles spectaculaires, mais il en reste peu.
En effet, certaines des plus somptueuses oeuvres que
l’on connaisse des Amériques anciennes - luxueuses
dans n’importe quelle défi nition ou norme, comme un
manteau Paracas (fi g. 7) - étaient faites de coton et
de fi bres de camélidés, matériaux que nous pouvons
considérer comme prosaïques aujourd’hui. Dans ces
cas, c’est l’habileté des artistes et le travail fourni qui
ont élevé l’oeuvre au domaine du luxe.
Les arts de luxe sont intimement liés à des idées
d’identité qui, dans de nombreux cas, perdure au-delà
de la mort. La plupart des objets exposés proviennent
de temples, de tombes, des caches et d’autres lieux
de repos éternel, autant de contextes qui ont permis
de mieux comprendre leurs usages. Par exemple, les
chercheurs ont longtemps pensé que seuls les hommes
Moche de haut rang portaient des ornements d’oreilles
et de nez, mais des fouilles récentes sur la côte nord du
Pérou ont révélé qu’ils faisaient également partie des
insignes des femmes (fi g. 7). Il s’est avéré également
que bon nombre des pièces déposés dans des tombes
étaient des objets non transférables à d’autres
individus - en d’autres termes, inaliénables.
Cette inaliénabilité, cependant, n’était pas toujours
éternelle. Les arts de luxe - en particulier la tapisserie
fragile et le travail des plumes, et les métaux
transformables - étaient particulièrement vulnérables
aux déprédations des Espagnols à l’époque coloniale.
De luxueux livres mésoaméricains furent brûlés
comme instruments du diable ; de somptueux textiles
andins ont également été détruits, soit à travers des
campagnes intentionnelles, soit par négligence. Les
métaux, si facilement transformés, ont été à nouveau
transformés, au service d’un nouveau dieu, et de
nouveaux rois. Des objets métalliques précolombiens
ont été fondus et coulés en lingots pour faciliter le
transport et le commerce14. La destruction eut lieu
à une échelle colossale. Le pillage fut systématique
à la fi n du XVIe siècle : les autorités coloniales
accordèrent ce qui équivalait aux droits miniers pour
piller les tombes préhispaniques, aussi longtemps
que le « cinquième royal » - les vingt pour cent de
butin dus au roi d’Espagne - était payé. La plupart
des oeuvres d’art précolombien en métal ont été
fondues, mais, par extraordinaire, de rares rescapées
ont été découvertes, comme un ensemble d’ornements