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litiquement) des grandes maisons. On ne connaît
pas non plus de tabourets qui soient nommément
désignés comme venant de ces maisons. Leur rôle
serait donc mineur, car aucune décision prise dans
une ntegal ne saurait avoir d’incidence au-delà du
cénacle restreint des jeunes hommes qui y habitent.
Hypothétiquement, nous pourrions en déduire que
ces objets pourraient être moins décorés que ceux
décrits par les premiers visiteurs étrangers au XXe
siècle. Pourtant cette hypothèse ne saurait être retenue
car on sait que le degré d’ornementation d’un
objet sur le Sepik ne préjuge pas de son importance
rituelle ou historique. Un objet simple et sans décor
peut être utilisé comme un kupunda à Chambri,
c’est-à-dire comme insigne de pouvoir politique et
rituel de premier plan.
2. LE PRINCIPE DES NOMS
Le tabouret d’orateur n’est pas un objet, c’est une
personne. De même, nombre d’objets rituels du
Sepik ne sont pas considérés comme des choses,
mais comme des personnages. Ce sont parfois des
êtres mythologiques, qui s’incarnent dans des objets,
ayant eu une existence en tant que personnes
dans le passé ; ils continuent leur existence en se
manifestant à travers par exemple un crochet, un
masque ou une sculpture14. D’autres, et c’est le cas
des tabourets d’orateur, n’ont pas nécessairement
d’existence qui précède celle de l’objet même15. Ils
se confondent avec l’objet. Ils agissent en tant que
personnes, et, par exemple, un des informateurs de
Christian Coiffi er affi rme que le tabouret Sukundimi
se déplacerait lui-même afi n d’aller punir tout
FIG. 15 (CI-DESSUS) : Vue
de l’intérieur de la maison
cérémonielle de Kanganamun
Moyen Sepik, PNG. 2014.
© Archives de l’auteur.
On peut y voir toutes sortes de
tabourets communs disposés sur le sol.
FIG. 16 (CI-DESSOUS) :
Aquarelle de Nicolas Garnier
montrant un débat se
déroulant à l’extérieur de
la maison cérémonielle de
Yenjimangwa, bien que
certains participants soient
installés à l’intérieur. Carnet
de terrain de l’auteur. 2001.
© Archives de l’auteur.
DOSSIER
tient aux collections du Museum für Völkerkunde
de Frankfort et a été collecté en 1961 par Eike
Haberland, puis enregistré sous le numéro 45826
(fi g. 22). Il a été identifi é comme l’oeuvre du sculpteur
Maliyame du clan Wengwenjap à Wombun. Il
fait partie de ces types de tabourets sculptés pour
être vendus.
Le tabouret d’orateur, attaché au poteau central,
s’oppose à un objet individuel désigné sous le
vocable d’awinamp en chambri (ou tɨgɨt en iatmul
ou nyaura). Ce dernier est utilisé pour s’asseoir et,
pour Gordon Pambang, dont le père avait sculpté
le tabouret d’orateur mentionné plus haut :
« Un awinamp, c’est quelque chose de très important.
Ton siège, c’est ton siège. Et tu l’apportes dans
la maison cérémonielle, ça veut dire que c’est à toi.
On ne peut pas utiliser n’importe comment le siège
d’un autre homme. Si ça arrive, automatiquement,
tu devras lui reverser une compensation. »11
Qu’il soit à usage individuel ou qu’il serve pour les
débats publics, l’importance du siège est manifeste.
Coiffi er décrit la présence d’un autre type de
tabourets d’orateur (wandi teguet) dans les maisons
d’adolescents ou ntegal12. En citant Milan
Stanek, le chercheur rapporte aussi que le tabouret
d’orateur « est considéré comme le frère cadet du
pilier central principal »13. On sait en réalité peu de
choses sur ces tabourets d’orateurs de petites maisons
des hommes. On sait certes qu’il s’agit d’une
version réduite (à la fois architecturalement et po-