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vêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire,
la littérature, l’art ou la science et qui appartiennent à l’une des
catégories énumérées dans l’annexe à la présente Convention. »
D’autant plus large que les onze catégories visées à l’annexe vont
des « collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de
minéralogie et d’anatomie » aux « objets d’ameublement ayant
plus de cent ans d’âge » en passant par « le produit des fouilles archéologiques
» mais aussi les « timbres-poste », les « productions
originales de l’art statuaire », les « gravures », les « manuscrits »
ou les « archives ».
Notons que même pour les Pays-Bas, pourtant signataires de la
Convention mais qui ne l’ont toujours pas ratifi ée : « La défi nition
des biens culturels donnée par la Convention d’UNIDROIT
est vague et trop large. » En effet, tout ou presque tout peut être
assimilé à un bien culturel désormais protégé par la Convention
UNIDROIT et chaque État adhérent pourra directement invoquer
les règles qui y sont édictées devant les tribunaux d’un autre État
membre.
Le problème est précisément que ce « corps minimum de règles
juridiques communes » que prétend instaurer la Convention est
contraire au droit interne de beaucoup de pays. Parmi ces dispositions
incompatibles, on relèvera particulièrement les délais de
prescription portés à cinquante ans après le vol (soixante-quinze
Le but recherché par les initiateurs de la Convention
UNIDROIT de 1995 sur « les biens culturels volés ou illicitement
exportés » peut sembler louable et s’affi che en préambule comme
une promesse : « Contribuer effi cacement à la lutte contre le trafi
c illicite des biens culturels en établissant un corps minimum de
règles juridiques communes. »
Toujours selon l’Institut international pour l’unifi cation du droit
privé :
« La Convention d’UNIDROIT renforce les dispositions de la Convention
de l’UNESCO de 1970 et les complète en formulant des règles
minimales en matière de restitution et de retour de biens culturels.
Elle garantit les règles du droit international privé et de la procédure
internationale qui permettent de faire appliquer les principes inscrits
dans la Convention de l’UNESCO. Les deux conventions sont donc
compatibles et complémentaires. »
La Convention UNIDROIT est ainsi présentée comme la suite
logique de la Convention UNESCO de 1970. Une sorte d’addendum
jugé nécessaire. Pourtant, l’économie des deux conventions
est fondamentalement différente. La Convention UNESCO de
1970 se bornait à jeter les bases d’une coopération internationale
en matière de lutte contre le trafi c des biens culturels et pour leur
restitution, laissant aux États adhérents la responsabilité de sa
mise en oeuvre dans leur droit interne.
Au contraire, la Convention UNIDROIT établit un corpus de
règles juridiques d’application directe qui s’imposent aux États
membres dès l’entrée en vigueur de la Convention, quitte à en
bousculer l’ordre juridique interne. La Convention UNIDROIT de
1995 n’est donc pas une actualisation de la Convention UNESCO
de 1970, sa portée étant différente. Au-delà même de ses incompatibilités
avec le droit interne de nombre de pays de droit civil ou
de common law, la Convention d’UNIDROIT rompt avec un équilibre
des obligations imposé par la Convention UNESCO de 1970.
On sait ainsi que pour être protégés par la Convention
UNESCO (article 1er), les biens culturels doivent répondre à la
double condition d’avoir été préalablement désignés sous forme
de listes par chaque État comme étant d’importance et d’appartenir
à des catégories visées à la Convention. Ainsi les pays « d’origine
» se voient logiquement contraints, s’ils veulent bénéfi cier de
la protection, d’instituer des services ad hoc afi n notamment d’«
établir et tenir à jour, sur la base d’un inventaire national de protection,
la liste des biens culturels importants, publics et privés,
dont l’exportation constituerait un appauvrissement sensible du
patrimoine culturel national (…) » (article 5). Ce n’est que parce
que tel ou tel bien culturel a fait l’objet d’une désignation précise
(un classement) et préalable à toute demande de restitution, qu’il
s’en trouve protégé.
Le véritable problème de mise en oeuvre des principes édictés par
la Convention UNESCO de 1970 n’est pas tant un hypothétique
manque de sanctions directement applicables dans les pays où des
biens culturels « illégaux » seraient trouvés, mais le manque de volonté
et l’incapacité ou l’inertie des pays sources à mettre en place
une politique de classement sans laquelle ils ne peuvent, faute de
listes de biens protégés, revendiquer.
C’est ce constat, plus que tout autre, qui, selon nous, a conduit à
un véritable changement de philosophie. Avec la Convention UNIDROIT,
la charge sera reportée dorénavant sur les possesseurs, et
les recours contre ces derniers, facilités.
La preuve d’un minimum de précaution et d’intérêt pour leur
propre patrimoine culturel, n’est plus ici demandée au pays d’origine.
Terminée la double condition, plus de liste, plus de classement,
tout bien culturel au sens de la Convention UNIDROIT,
jusqu’au plus humble, se voit reconnaître le statut de bien protégé.
La notion de bien culturel reprise à l’article 2 est en effet extrêmement
large : « Les biens qui, à titre religieux ou profane, re-
La Convention
d’UNIDROIT
de 1995 :
ART + loi