TABOURETS D’ORATEUR DU MOYEN SEPIK
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didats sont ainsi invités à s’exprimer lors des campagnes
politiques dans les maisons cérémonielles.
À la suite de leur passage, chacun s’exprime pour
évoquer la nature du soutien que la communauté
apportera au candidat. Il est en effet considéré
qu’un vote individuel est sans effet. Seul le vote de
groupe pèse et devient manifeste lors d’une élection.
Ainsi il existe une cartographie précise de
l’électorat, village par village ou clan par clan. À
la suite des élections, les électeurs qui ont vu leur
candidat victorieux sont en mesure de lui réclamer
des contreparties. Cela peut être la réfection d’une
école, d’un marché, le paiement d’un groupe électrogène
ou l’installation d’un petit centre de soins
ou d’un système d’assainissement de l’eau de pluie.
L’importance des enjeux pour le développement
des villages du Sepik justifi e l’usage d’une rhétorique
traditionnelle de débats contradictoires.
La consommation de drogue ou d’alcool chez les
jeunes hommes entraîne souvent des drames. Par
exemple, un homme tué lors d’une rixe ou un cas
de viol placent des milliers d’individus dans une
situation d’extrême tension. Derrière les agresseurs
et les victimes s’agglutinent leur village et parfois
leur groupe linguistique dans leur entier. Des
groupes alliés peuvent organiser des ambassades
et tenter des conciliations. Ces ambassades ou des
contingents de policiers ou les émissaires envoyés
par les élus locaux débattent ainsi dans la maison
cérémonielle. Chacun peut y exposer ses craintes et
ses arguments.
L’organisation d’un rituel est aussi l’occasion
de débats publics contradictoires. La plupart des
rituels demandent la participation de plusieurs
clans. En principe, le rôle de chacun y est déterminé,
mais chaque rituel donne l’occasion aux clans
participants d’entrer en compétition et d’apporter
une note ou une infl exion nouvelle à la sortie d’un
masque, à l’inauguration de façades de maisons
cérémonielles, au lancement d’une grande pirogue
à moteur ou à une danse. Ces infl exions peuvent
être considérées comme outrageantes par d’autres
clans concernés. Alors naît un confl it qui doit être
résolu par un (ou souvent plusieurs) débats contradictoires
dans une maison cérémonielle.
Enfi n, le développement d’un droit national et la
reconnaissance d’un droit coutumier (l’Underlying
Law est reconnu par la constitution en Papouasie-
Nouvelle-Guinée) ont donné naissance à de nouvelles
instances de régulation des confl its. Ainsi
le Village Court Magistrate est une personnalité
élue qui a la charge de régler un certain nombre
d’affaires. Les plus communes sont des adultères
ou des vols. Ces cas sont débattus en public, et la
présence des femmes y est nécessaire. Ce sont donc
désormais des affaires qui se traitent en dehors de
la maison cérémonielle.
D’autres confl its ne peuvent plus être réglés par
les seules autorités du village. Le meurtre et le viol
sont du ressort de tribunaux professionnels. Cette
répartition juridique n’est pas toujours facilement
acceptée dans les villages. Ce cadre réglementaire
étant déjà ancien, l’intervention de la police et