TABOURETS D’ORATEUR DU MOYEN SEPIK
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FIG. 27 et 28 (EN BAS,
DE GAUCHE À DROITE) :
Gregory Bateson. Une
des dix images existantes
montrant un homme
frappant un tambour
d’orateur.1932.
Film XII:19.
Museum of archeology and
anthropology of Cambrige, P.16825.
BAT.
Gregory Bateson.
Homme assis à côté d’un
tabouret.1932.
Film V:27.
Museum of archeology and
anthropology of Cambrige, P.16840.
BAT.
qu’ils proviennent de grandes maisons cérémonielles.
En revanche, les grands tabourets qui
sortent du pays au début des années 1950 pourraient
pour certains en provenir. En effet, et du fait
des cultes du Cargo dont on sait qu’ils fleurissent
sur le Sepik au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, on constate un abandon partiel et parfois
spectaculaire de certaines pratiques culturelles.
Les cultes du Cargo sont des mouvements à la fois
religieux et politiques nés en réaction à l’arrivée
des Occidentaux, à la lente progression du pouvoir
colonial, à l’irruption d’une économie de consommation
et enfin à la part de plus en plus grande
du christianisme dans les systèmes cosmologiques
mélanésiens. Tandis que les tenants de ces mouvements
conservent certains aspects des cultures
locales, ils adoptent massivement des traits culturels
empruntés à d’autres cultures locales mais
aussi aux Occidentaux, en particulier des formes
rituelles empruntées aux parades militaires et aux
cultes chrétiens. On peut penser, mais cela n’est
pas documenté à ma connaissance, que des objets
rituels ont été détruits ou abandonnés en faveur de
nouveaux objets ou en faveur de rituels n’utilisant
pas d’objets.
Dès les années 1930, et surtout à partir des années
1950, les missionnaires catholiques exigent
des habitants des villages qu’ils se convertissent et
qu’ils détruisent leurs objets sacrés ou bien qu’ils
les vendent. À Chambri on a ainsi gardé des listes
entières d’objets détruits ou vendus aux missionnaires
par la contrainte. Ces listes avaient été tenues
par des hommes influents dans certains des
clans de Chambri. On retrouve encore aujourd’hui
certains de ces objets dans le commerce d’art.
Si les autorités catholiques n’ont eu guère de scrupules
à spolier les habitants du Sepik d’une partie
de leurs biens sacrés, d’éventuelles confiscations coloniales
de la part des Allemands ou des Australiens
sont encore mal documentées dans la région.
À partir des années 1950, une production touristique
se multiplie sur le Sepik. De nombreux
objets de ce type intègrent alors des collections
européennes, et le plus grand nombre de tabourets
d’orateur aujourd’hui conservés au musée du quai
Branly - Jacques Chirac appartient à cette catégorie.
Cette production augmente de manière substantielle
à la veille de l’indépendance du pays en
1975. Tambanum devient alors un centre renommé
dont la production demeure aujourd’hui considérable,
sans doute la plus importante en nombre de
la région39. Certains villages se spécialisent dans la
fabrication d’un type particulier d’objets. Ainsi le
village de Korogo (ou Korogu comme souhaitent
le faire orthographier leurs habitants), dernier bastion
nyaura face aux Iatmul du Centre, est réputé