MOSAÏQUES DE PLUMES
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Composer les mosaïques de plumes était le travail
d’artisans spécialisés qui disposaient aussi des
compétences rituelles et techniques qui assuraient
l’effi cacité et la stabilité physique de l’objet fi ni.
L’assemblage de la mosaïque était toutefois un effort
de groupe, car plusieurs personnes étaient requises
pour stabiliser le support en bois,
arranger les plumes et nouer la
bande fi bre qui devait être maintenue
sous pression jusqu’à ce que
la dernière rangée soit placée. Bien
qu’en matières fragiles, ces assemblages
étaient conçus pour durer
et, lorsqu’ils n’étaient pas utilisés,
étaient soigneusement emballés
dans des feuilles de sagoutier.
La plupart des mosaïques de
plumes étaient directement composées
sur le support en bois. Un
panneau de mosaïques dans la
collection de l’Australian Museum
(fi g. 10) et un autre au musée du
Vatican présentent un dessin en
dessous de la mosaïque qui peut
avoir aidé à l’organisation des
plumes. La très documentée, mais
fortement restaurée mosaïque VI
38609 de Berlin présente un dessin
de la fi gure au verso du panneau.
Il est probable que pour les
mosaïques complexes, des dessins
aient été utilisés sur le support ou en tant qu’aide
visuelle sur un autre panneau.
TERMINOLOGIE INDIGÈNE
Dans Kunst vom Sepik, Heinz Kelm, se référant
probablement aux notes de Thurnwald, mentionne
deux noms indigènes pour les mosaïques de
plumes : le terme bang, plus souvent utilisé sur la
rivière Keram et moarang, employé dans le village
de Kambaramba (Kelm 1968, 29). Les mosaïques
du Vatican en forme de panneau de Panyiten sont
qualifi ées de molon. Tant moarang que molon
pourraient faire référence au terme « morong »
toujours utilisé à l’heure actuelle sur le Sepik pour
désigner des éléments conçus à partir de parois de
pirogues recyclées (Cox 2016). Comme mentionné
auparavant, la largeur et l’épaisseur des mosaïques
en forme de panneau sont similaires à d’anciennes
parois de pirogues.
Dans l’inventaire du Lindenmuseum, les mosaïques
en forme de panneau sont décrites comme
Federmosaik (mosaïque de plumes) ou Tanzschild
(bouclier de danse), alors que les deux mosaïques en
forme de pagaie sont inventoriées comme Tanzschild
(bang) (bouclier de danse (bang)). Il se peut que le
terme bang ait été réservé aux
mosaïques en forme de pagaie.
Les peuples Keram utilisent le
terme bang pour désigner « long
trajet / distance ». En rapport
avec les mosaïques de plumes,
ceci pourrait se rapporter à la
capacité des plumes de relier le
monde des humains et celui des
esprits. Aujourd’hui, les peuples
Keram utilisent le terme plus
prosaïque de angop wai (bouclier
de plumes) pour parler des
mosaïques de plumes de leurs
ancêtres (Colombo 2016).
CONTEXTE CULTUREL
Thurnwald mentionne pour
la première fois les mosaïques
de plumes dans son rapport de
1917 (Thurnwald 1917 : 170),
où il les décrit comme Federschilde
(en allemand : boucliers
ou panneaux de plumes) et les
aborde dans le contexte général
de boucliers. Néanmoins, il y fait clairement référence
comme étant des objets de cérémonie. Il leur
attribue une fonction d’aide-mémoire à un carrefour
d’images divergentes. Il les décrit comme des
histogrammes contenant des histoires et des mythes
entiers (Thurnwald cite Kelm 1968 : 28-29, traduction
par l’auteur). Une note manuscrite de la fi che
d’inventaire de la mosaïque en forme de panneau
16-36-150 (fi g. 25) de Munich concerne des informations
orales fournies par Thurnwald au cours de
sa visite du 19 octobre 1917. D’après cette note inédite,
les mosaïques de plumes étaient utilisées dans
la deuxième et troisième cérémonie d’initiation des
jeunes hommes.
La seule photo in situ de mosaïques en forme de
panneau a été prise par le père Kirschbaum dans la
maison des hommes de Geketen (fi g. 26). Celle-ci
montre un panneau central attaché à un mur et qui
se prolonge jusqu’au sommet du toit. Deux fi gures