tion traditionnelle de produire des mosaïques de
plumes avait été étouffée, au fur et à mesure que les
cultures de la rivière Keram changeaient en raison
d’un contact prolongé avec les étrangers sous l’administration
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civile australienne.
FORMES ET TYPES
Les cent cinquante et un mosaïques de plumes qui
subsistent dans les musées d’Europe et d’Australie
peuvent être divisées en deux catégories : celles en
forme de panneau et celles en forme de pagaie. Les
mosaïques en forme de panneau varient de quarantedeux
à cent cinquante-deux centimètres, avec une
hauteur moyenne de cent vingt centimètres. Leur
largueur oscille entre treize et cinquante-deux centimètres,
mais la majorité varie entre vingt et trente centimètres.
Il est probable que ces panneaux soient issus
d’anciennes parois de pirogues. La plupart ont une
forme carrée et certains sont plus étroits sur la partie
supérieure. Un nombre important de ces panneaux
présentent un trou de suspension sur le dessus ou des
oeillets leur permettant d’être fi xés à un support.
Les mosaïques de plumes en forme de panneau
représentent souvent les visages d’esprits. D’après
les anciens de Kambot, ils fi gurent les esprits comme
Deman (fi g. 9) ou Konyim (fi g. 10) (Cox 2016).
Divers panneaux sont décorés avec des illustrations
d’animaux, comme des cacatoès, des gouras, des
casoars, des poissons, des serpents et des marsupiaux.
Les fi gures 16a et 16b montrent deux photos
de panneaux de mosaïques de plumes exceptionnels,
probablement prises à l’extérieur d’un poste de missionnaires
avant 1922. Aucun de ces panneaux n’a
pu être rapproché à l’un de ceux conservés dans les
musées. Le panneau rectangulaire au centre de la
fi gure 16b montre l’esprit guerrier Mumbwan, dont
le masque était attaché aux pirogues lors de raids.
Certaines de ces fi gures portent un ornement nasal
qui les identifi e comme des ancêtres importants, en
particulier l’ancêtre Mopul qui est souvent représenté
avec un ornement nasal (Dennett 2018). Les mosaïques
de plumes sont liées aux peintures sur spathes
de sagoutier, qui étaient produites au même moment.
Aujourd’hui les anciens de Kambot pensent que les
peintures sur spathes de sagoutier ont remplacé les
mosaïques de plumes après que leur production a cessé
(Cox 2016). Les documents des musées de Berlin
et du Vatican nous apprennent que les mosaïques en
forme de panneau ont été collectées dans les villages
de Geketen, Kambot, Panyiten et Kambaramba.
Les mosaïques en forme de pagaie sont composées
d’un bâton rond qui se termine par une pale lenticulaire
aplatie. À l’exception des dix derniers centimètres,
le devant de la pale et l’ensemble du manche
sont décorés de mosaïques de plumes. Leur longueur
varie entre quatre-vingt-trois et cent quatre-vingtdix
huit centimètres et un tiers des exemplaires
connus se situent entre cent quarante et cent soixante
centimètres. La plupart des mosaïques en forme de
pagaie ont des motifs purement géométriques, bien
que quelques-unes aient un ou deux visages d’esprits
intégrés dans la composition générale (fi g. 20 et
21). Aucun animal n’est représenté sur ce type de
mosaïque. Thurnwald a collecté des mosaïques dans
les villages d’Angarep, de Gorogopa, Gabumonum,
Tuyburum, Tyamboto, Garep et Kambaramba.
ASPECTS TECHNIQUES
Le projet de restauration du panneau de mosaïques
MVB 4016 de la collection Burgdorf (fi g. 11) au département
de conservation-restauration de la HauteÉcole
Arc à Neuchâtel offrit une occasion unique
d’étudier plus en détail les aspects techniques de ces
oeuvres d’art (Michellod 2015).
La surface des panneaux en bois utilisés pour les
mosaïques était quelque peu noircie pour la rendre
moins vulnérable aux insectes. Un seul panneau de
mosaïques pouvait nécessiter près de mille plumes
d’une série d’oiseaux locaux. Thurnwald décrit l’utilisation
de plumes du cacatoès, du martin-pêcheur et
de la grue (Thurnwald 1917 : 170). Outre les plumes
brun foncé non identifi ables, la mosaïque Burgdorf
contient des plumes de duvet et d’ailes du cacatoès
à huppe jaune (Cacatua galerita), les plumes bleues
parsemées de noir du goura de Victoria (Goura victoria),
les plumes bleues et brunes du paradisier bleu
(Paradisaea rudolphi) ainsi que les plumes bleues,
rouges et vertes du grand éclectus (Eclectus roratus)
(Michellod 2015 : 25-32). Quatre panneaux de mosaïques
récemment restaurés de la collection du Vatican
contiennent eux aussi des plumes du cacatoès à
huppe jaune, du grand éclectus et du goura de Victoria,
mais aussi du casoar unicaronculé ou casoar de
Bennett (Casuarius unappendiculatus ou bennetti),
d’une espèce indéfi nie de faucon (Accipiter), de la talève
sultane (Porphyrio porphyrio), de la colombine
turvert et colombine d’Étienne (Chalcophaps indica
et stephani) et du corbeau de Torres (Corvus orru)
(Brunori et al. 2017). Des bandes rectangulaires de
fi bre libérienne teintes dans un rouge brun faisaient
DOSSIER