La Convention UNESCO
du 14 novembre 1970
144
n’est pas un texte de poursuite pénale
nal et de biens culturels sans document justifi -
catif régulier, importation en bande organisée
sans déclaration en douane applicable à une
marchandise prohibée, vol en bande organisée et
enfi n recel de vol en bande organisée ».
Il ne manquait à cette longue liste d’infractions
que le meurtre, voire l’assassinat des dinosaures
susdits, et que seule sans doute l’ancienneté
du crime – plus de soixante-cinq millions
d’années au mieux – disqualifi ait.
Les délinquants présumés tombant des nues
martelaient incrédules qu’ils achetaient et vendaient
« sur factures » des fossiles depuis toujours,
qu’ils en importaient, qu’ils en exportaient,
qu’ils fournissaient tous les grands musées,
que des dizaines de foires aux fossiles se
tenaient chaque année en France mais aussi en
Europe, que des fossiles comparables étaient
régulièrement vendus aux enchères et venaient
tion et le transfert de propriété illicites des biens
culturels » au sens le plus large, il nous est apparu
intéressant de rapporter ici l’enseignement
de la Cour de cassation française, bien que le cas
d’espèce visé concerne l’importation de fossiles
et non d’objets d’art premier.
Comme dans le roman Pierre et Jean de Guy
de Maupassant, c’est au Havre que débute notre
tragédie judiciaire. Par un beau matin du mois
d’août 2013, les agents des douanes de ce port
normand, connu pour sa situation sur la rive
droite de l’estuaire de la Seine et pour être le premier
port d’accueil français des bateaux porteconteneurs,
vont procéder au contrôle du chargement
d’un navire. Constatant un problème
de déclaration au déchargement d’un conteneur
renfermant une importante quantité de fossiles
préhistoriques provenant d’Amérique du sud, les
douaniers, qui en tout autre matière se seraient
sans doute contentés de dresser un procès-verbal
et d’infl iger une amende, vont opérer plusieurs
perquisitions dans les locaux de la société française
destinataire du chargement.
L’entreprise ayant précisément pour objet
social la commercialisation de fossiles, dont de
nombreux spécimens se retrouvent d’ailleurs
dans tous les musées de France, nul ne s’étonnera
de la « découverte » sur les lieux de différents
squelettes de dinosaures, de poissons ou de
reptiles, provenant du monde entier, dont plus
de deux cent fossiles seront saisis.
Une information judiciaire sera ouverte et les
associés de l’entreprise importatrice de fossiles,
à l’issue d’une garde à vue de quatre jours, seront
mis en examen pour rien de moins que
« participation à association de malfaiteurs en
vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans
d’emprisonnement, détention de trésor natio-
La Chambre criminelle de la
Cour de cassation de France, par son arrêt du
12 septembre 2018 (inédit), consacre le principe
suivant lequel « la Convention UNESCO du 14
novembre 1970 ne peut servir en elle-même à
asseoir une incrimination pénale ».
Cette évidence, comprise par tout juriste informé
et par tous ceux qui se sont un jour donné
la peine de s’intéresser à la question et de réellement
lire la Convention de 1970, attendait pourtant
d’être affi rmée par la plus haute juridiction
française, tant les Parquets avaient pris l’habitude
de fonder à tort leurs poursuites sur ses
principes qui ne sont pourtant pas directement
applicables dans le droit interne des États (Tribal
Art Magazine, n°77, p. 140-144).
La Convention UNESCO du 14 novembre
1970 concernant « les mesures à prendre pour
interdire et empêcher l’importation, l’exporta-
ART et loi
Par Yves-Bernard Debie