de ces groupes d’artistes a travaillé dans des styles
bien distincts. Bien que l’on puisse observer des différences
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et des variations au fi l du temps notamment
dans le choix des motifs, tels que des béliers aux longues
cornes, des chapeaux à bord roulé, de longues
tuniques et de gigantesques formes végétales, l’élément
essentiel permettant l’attribution d’une oeuvre
à un atelier particulier est la technique d’insertion
des pendeloques en fer (togbe – boucles d’oreilles)
le long des bords.
1. Maître du bélier aux cornes recourbées. Ouidah.
Milieu-fi n du XIXe siècle (fi g. 1, 5 et 6). Les représentations
d’animaux hautes en couleur de cet artiste
(béliers, poulets, serpents, crocodiles, tortues,
poissons, etc.) démontrent sa maîtrise unique du
fer. Ses sculptures saisissantes de béliers aux longues
cornes recourbées (fi g. 1) sont particulièrement reconnaissables.
Ses personnages humains possèdent
des mains plus grandes, souvent bien arrondies,
aux pouces séparés tandis que leurs grands pieds
plats sont rattachés aux tibias suivant un angle
étonnant. Les physionomies sont minutieusement
défi nies, les visages sont souvent dotés de nez pointus
protubérants, d’yeux globuleux et d’oreilles
décollées. Une partie de ses asen est dédiée à des
femmes (fi g. 5). Arborant des seins longs, fi ns et cylindriques,
celles-ci sont généralement représentées
sur des tabourets réservés à l’élite plutôt qu’agenouillées.
Les tiges de fer de ces asen féminins
sont singulièrement plus courtes que celles des
asen masculins. Les asen féminins se distinguent
également par leurs supports droits comparés aux
supports en fer ondulés des asen masculins. Toutes
ses oeuvres mettent en scène des compositions soignées
et claires dont le personnage principal se
trouve au centre et les éléments de composition,
des plantes aux sièges en passant par les animaux,
sont clairement défi nis. Les sculptures sont souvent
fi xées à la surface de la plate-forme par soudure
directe plutôt qu’au moyen de languettes de fer
pliées comme le font les autres forgerons d’Ouidah.
Les pendeloques togbe sont soigneusement et
uniformément espacées autour du support et sont
attachées à hauteur du bord recourbé grâce à des
boutons intégrés. Les formes de ces pendentifs varient
et nombre d’entre eux font référence au commerce
européen (ancres, pagaies). Dans les thèmes
abordés, de façon plus large, nous observons des
allusions aux rois dahoméens Ghézo (1818-1858)
et Glélé (1858-1889), mais aussi aux commerçants
français (drapeaux) (fi g. 6), venant étayer
la datation de son activité au milieu du
XIXe siècle. Ses oeuvres se retrouvent
actuellement dans de nombreuses
collections importantes. Certaines illustrent
le puissant personnage connu
comme « Yogovan » ou « Maître des
Blancs » qui était chargé des relations
avec l’Europe. L’auteur de ces oeuvres
pourrait être Akati (Ekplekendo
Zomabodo Glenegbe), le même forgeron
qui a réalisé en 1860 la fameuse
sculpture en fer associée à Gu, le dieu
du fer (fi g. 7).
2. Maître du chapeau à bord roulé. Ouidah. Milieu
fi n du XIXe siècle (fi g. 8 et 9). De nombreuses
silhouettes masculines de cet artiste portent des
chapeaux à bord roulé dont les extrémités s’enroulent
donc vers le haut. Les femmes portent
FIG. 4 (CI-DESSOUS) :
Consécration par la famille
Awesu d’Abomey d’un
nouvel asen créé par
un membre de la guilde
Hountondji des forgerons et
joailliers royaux.
Photo : S. P. Blier, 1986.
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