Ce type de horror vacui a longtemps été considéré
comme une caractéristique de l’esthétique kuba.
Cependant, nos recherches indiquent qu’il s’agit
d’un développement bien plus récent qu’on ne le
pensait. Et bien que cette transformation se soit
manifestée à la fi n du XIXe siècle, elle n’a atteint
son apothéose que dans la première moitié du XXe
siècle. L’explosion des motifs géométriques brodés
sur une surjupe faite entre 1912 et 1942 le montre
clairement (fi g. 4). Bien que ce vêtement soit également
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doté d’une unité de conception standardisée
– un rectangle – cette forme est presque obscurcie
par la variété et la complexité des couches cousues
dans un noir profond et un bronze lumineux.
Le résultat est un vêtement conçu non seulement
pour attirer l’attention du spectateur, mais aussi
pour la retenir. Contrairement à un motif répété
qui permet au spectateur de poser son regard par sa
standardisation et sa régularité, l’hétérogénéité du
motif de cette surjupe refuse de se plier au regard
du spectateur. Bien que les espaces rectangulaires
encadrés qui traversent les panneaux centraux du
textile donnent au spectateur un accès visuel à la
pièce et dirigent le regard sur la longueur horizontale
du vêtement, les motifs radicalement opposés
qui se situent dans chaque espace rectiligne
résistent à toute tentative d’intégrer le textile dans
un schéma préexistant. L’oeil ne peut ni se concentrer
ni se poser. Il y a toujours plus à voir et aucun
centre sur lequel fi xer son regard. Le spectateur est
donc encouragé à continuer à regarder – à la fois le
vêtement et la personne qui le porte.
FIG. 10 (À GAUCHE) :
Surjupe. Kuba, province
du Kasai, RDC. 1919-1950
(datation par C14).
Fibres de raphia. 127 x 61 cm.
Collection privée, R.18060.23.
FIG. 11 (CI-DESSOUS) :
« Danse de dignitaires ».
Carte postale. Publiée par Photo-
Home, Léopoldville. Sans date.
Collection Pierre Loos. Avec l’aimable
autorisation d’Andres Moraga
Textile Art.
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