MUSÉE à la Une
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construction et la dimension fi gurative en disent
long sur l’identité de chaque artiste.
USAGES ET HISTOIRE GÉNÉRALE
Les principales régions où des asen ont été fabriqués
et utilisés s’étendent des terres occupées par
les Ashanti (Akan) du Ghana à celles des Adja et
Ewe du Togo, en passant par celles des Hueda et
Ayizo de la république du Bénin et les royaumes
Yoruba et Edo (Benin) du Nigeria. Dans leur forme
la plus basique, les asen représentent un type d’autel
portatif planté dans le sol de l’asenxo (maison
de l’asen) où l’on commémore de façon collective
les membres défunts de la famille lors de cérémonies
annuelles. C’est face à l’asen que les vivants
Mémoires
forgés à fer,
ARTS ASEN DU DAHOMEY
Du 21 novembre 2018 au 26
mai 2019, le musée Barbier-Mueller de Genève met
à l’honneur une tradition artistique bien ancrée
en Afrique occidentale, et particulièrement dans
l’ancien royaume du Dahomey : les autels en fer
connus sous le nom d’asen, avec une exposition
temporaire intitulée Asen : Mémoires forgés à fer
dans l’Art Vodun du Dahomey qui lève le voile sur
ces sculptures saisissantes. Parmi les principaux sujets
abordés fi gurent des questions aussi essentielles
à la bonne compréhension de ces formes artistiques
que celles de la griffe de l’artiste, des divers usages
de ces objets, de l’histoire de cet art et de la façon
dont les asen contribuent à une meilleure appréciation
de l’histoire régionale au sens large du sud
de la république du Bénin où l’on retrouve ce type
d’art. Comprenant des sculptures en fer d’Afrique
et d’ailleurs parmi les plus belles en leur genre, la
collection Barbier-Mueller offre au visiteur une
occasion unique d’observer ces pièces incroyables
de plus près ; des oeuvres dont les détails dans la
rencontrent les morts, leur parlent, les interrogent
et offrent leurs sacrifi ces de propitiation. De nombreux
asen, dont plusieurs exposés à Genève, comportent
un motif de gourde ou de contenant en calebasse
(fi g. 1). Ces récipients renferment des vivres
donnés en offrande aux défunts au moment de
l’installation de l’asen. Ils font écho également à un
autre terme utilisé, dans la région, pour se référer
aux asen, à savoir sinuka (soit une calebasse servant
à boire de l’eau ; la calebasse étant le récipient
rituellement utilisé pour les libations aux ancêtres).
Les grands contenants fi gurés sur certains asen
(fi g. 9) rappellent ceux employés par les femmes
pour ramener de l’eau douce d’une source voisine
au domicile familial pour les rituels en question.
En quelque sorte, ces motifs divers se rapportant
aux défunts aident à perpétuer la mémoire de ces
illustres ancêtres. Les asen, transformés au fi l des
offrandes connexes, deviennent à leur tour des
moyens de perpétuer le dialogue avec ces entités
essentielles.
FIG. 1 (À GAUCHE) : Asen
par le Maître du bélier aux
cornes recourbées. Ouidah,
république du Bénin.
Milieu-fi n du XIXe siècle.
Fer. H. : 129 cm.
Musée Barbier-Mueller, Genève,
inv. 1010-69.
Un homme coiffé d’un haut-deforme
et tenant un couteau siège
ici. En face de lui, un oiseau mort
(un canard ?) sur un plateau. D’un
côté se tient un bélier aux cornes
recourbées et de l’autre un serpent
saisissant une grenouille. Sur les
bords se trouvent des arbres et une
croix.
© des objets : Luis Lourenço - Musée
Barbier-Mueller.
Par Suzanne Preston Blier