IMUN AJO'
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FIG. 6 (À DROITE) :
Coiffe de calao. Kayan,
Kalimantan central (Bornéo),
Indonésie. Avant 1927.
Rotin, bec et plumes de calao (Buceros
rhinoceros), fourrure (peut-être de
panthère nébuleuse, Neofelis diardi),
tissu rouge, fibre. L. : 21,5 cm.
Tropenmuseum, Amsterdam,
inv. TM-376-1.
FIG. 7 (CI-DESSOUS) :
Parures d’oreilles en canine
de léopard. Kayan ou
Kenyah, Kalimantan oriental
(Bornéo), Indonésie. Avant
1927.
Canines de léopard, perles de verre,
corne, rotin, fibre végétale. Longueur
de la dent : 9 cm.
Tropenmuseum, Amsterdam,
inv. TM-391-16.
s’agir d’une convention de la part du sculpteur pour
représenter la texture d’un pagne probablement
plissé ou froissé. Il note que le vêtement ne passe pas
entre les jambes, mais stipule aussi que cette partie
est indistincte. Les premières photos des hommes
dayak les montrent portant un vêtement suffisamment
semblable pour qu’il ne faille pas chercher une
comparaison en Nouvelle-Guinée (fig. 5).
Les oreilles de la figure sont particulièrement intéressantes.
Elles ont des trous ronds dans lesquels les
hommes kayan de haut rang inséreaient une canine
de panthère nébuleuse de Sunda (Neofelis diardi).
Ce type de canincs se trouvait également par paires
sur des coiffes à plumes de calao (fig. 6 et 7). Aucun
élément de ce genre ne figure sur la sculpture.
Le centre de l’oreille semble lié par des anneaux
de fibre ou de métal, une convention qui n’est pas
connue aujourd’hui à Bornéo, bien que, comme le
souligne Harrisson, au vu de l’amour des Dayak
pour les modifications apportées aux oreilles, rien
ne soit impo ssible en l’espèce(Harrisson 1964 :
168). L’élément le plus important est les lobes
extrêmement étirés et supportant chacun une douzaine
d’anneaux. Ceci a longtemps été une pratique
courante parmi les différents groupes dayak, bien
que pendant la période où les photographies ont été
prises, l’utilisation de multiples anneaux plutôt que
de poids simples semble avoir été largement réservée
aux femmes (fig. 5). Il est tout à fait possible qu’il
se soit agi d’une désignation fluide au fil du temps.
Comme le signale Mark A.
Johnson (Johnson 2018)
dans son prochain livre
sur la sculpture kayan,
les anciennes sculptures
sur bois kayan,
en particulier, montrent parfois des figures – généralement
sans genre défini – avec des lobes d’oreille
distendus par des anneaux improvisés (fig. 8).
Harrisson, pour sa part, ajoute dans son texte une
note éloquente de mise en garde des Dayak des
terres (Bidayuh) tirée de la publication de 1848 des
journaux de James Brooke : « Si vous rencontrez un
Dayak avec de nombreux anneaux aux oreilles, ne
lui faites pas confiance, c’est un homme mauvais »
(Harrisson 1964 : 168). Harrisson cite correctement,
mais omet d’ajouter que Brooke se réfère
ici spécifiquement aux « Sakarran » et « Sareba »
(Mundy 1848 : 235-236), connus collectivement
sous le nom de Dayak de la mer ou Iban.
Le visage de la sculpture a des yeux ronds,
une mâchoire plutôt courte et un long nez plat.
Harrisson spécule qu’il pourrait s’agir d’un
masque, ajoutant que les Kayan le considéreraient
certainement comme tel, que ce soit intentionnel ou
non, étant donné qu’il s’agit d’une effigie (Harrisson
1964 : 167). Toutefois, vu le considérable sens
du détail du reste de la figure, en l’absence d’un