FEATURE
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FIG. 21 (CI-DESSUS) : Paire
d’ornements d’oreilles.
Chimú, côte nord, Pérou.
Intermédiaire récent, 1100-
1470 apr. J.-C.
Coquillages, pierre, bois. H. : 9,5 cm.
Inv. M32248a et b.
© Linden-Museum Stuttgart.
Photo : A. Dreyer.
y distingue aussi des coiffes de femmes, en tissu
ou en gaze, posées librement sur les cheveux, qui
sans aucun doute étaient portées par les femmes
de l’époque. La texture de ces textiles est souple,
due à des fi ls en coton d’à peine un millimètre de
diamètre. Dans les hautes terres cohabitaient deux
styles, l’un à motif couvrant de diamants, l’autre
de bandes verticales dont la bordure terminale était
en motifs scalaires. Les motifs Chancay reprenaient
et imitaient ces caractéristiques, indice révélateur
de l’infl uence inca sur la vallée vers la fi n de la période.
Dans la production, on retrouve également
d’intéressants échantillons de tissus inachevés, qui
seraient peut-être des échantillons de tisserands,
destinés à consigner certains motifs.
La côte nord péruvienne, ayant accueilli en son
sein les brillantes dynasties Mochica, Chimù ou
encore Wari, cache, elle aussi, bien des trésors, à
commencer par le tout premier quipu, dispositif de
noeuds en tissu que l’on pense destiné au comptage,
ou bien encore le plus ancien tissu du monde teint
à l’indigo datant de 4000 av. J.-C12. Huaca Prieta,
dont le site est daté aux alentours de 3500 av.
J.-C., est considéré comme l’une des plus anciennes
cultures de textiles, source d’une iconographie qui
marquera toute la descendance andine septentrionale
en termes de motifs textiles.
Les Mochica sont essentiellement connus pour
leur activité guerrière. Célèbres sont les céramiques
ou frises de temples décrivant des guerriers farouches
(fi g. 13) armés jusqu’aux dents et tirant des prisonniers
nus, sans parler des vases-portraits qui parfois
décrivent avec un réalisme surprenant des faciès
amochés. En termes de textiles, peu sont conservés,
le climat de la côte nord, sujette aux crues, le permettant
moins que sa voisine méridionale. Les textiles
retrouvés sont souvent à décors géométriques
et en fi l de coton, avec de rares apparitions de laine.
On en apprend plus des tissus wari, la culture
qui prendra l’ascendant sur toute la région après
le déclin de l’Empire mochica et dont les motifs
sont bien moins fi guratifs. L’iconographie, principalement
symbolique, s’y traduit parfois par l’abstraction
; en effet, les Wari tissent des tuniques
larges aux motifs extrêmement stylisés et codifi és.
Une production wari remarquable réside dans la
confection de petits bonnets à quatre pointes posés
sur le sommet de la tête (fi g. 17). On en trouve
des exemplaires stupéfi ants sublimés par la diversité
des couleurs et des motifs, qui vont de l’abstraction
la plus totale à la fi guration. Vers 800 de
notre ère, l’Empire wari décline et laisse place aux
Lambayeque. Ces derniers développent alors une
iconographie toute autre que celle leurs voisins
et prédécesseurs : les vêtements sont de larges et
amples tuniques de coton au style iconographique
très naturaliste, présentant parfois d’étonnantes
scènes de gens du commun (fi g. 14), ou nombre de
motifs tridimensionnels se détachant des habits,
comme des franges, pompons ou petites fl eurs. À
noter, également, la présence fréquente du coloris
vert, une profusion unique dans la production
précolombienne textile. Les Chimu repeuplent la
côte nord entre 1200 et 1450 de notre ère. Grands
tisserands, ils manient avec brio les techniques
de la tapisserie, de la gaze, du brocard et de la
double-étoffe. Cependant, ils doivent surtout leur
notoriété au travail de la plume. Surtout employée
pour des tuniques ou coiffes de couleurs vives, la
plume était d’abord attachée au fi l, pour former