110
FIG. 10 (CI-DESSOUS) :
Amulette d’un esprit féminin
protecteur. Kayan ? Sarawak
ou Kalimantan (Bornéo). XIXe
siècle ou avant.
Alliage de cuivre. H. : 10,2 cm.
Collectée par Michael Palmierie, fi n des
années 1970.
Collection Jack Sadovnick.
Photo : Mark A. Johnson.
quelconque périmètre facial défi ni ou de moyens
d’attache, il n’y a aucune raison de croire qu’il
s’agit d’autre chose que des traits de visage stylisés.
Les yeux sont peut-être la caractéristique la plus
importante. Chacun est représenté comme une spirale
ronde à peine perceptible avec un(e) large iris/
pupille central(e). Il s’agit d’une confi guration pour
le moins inhabituelle et il est diffi cile de trouver un
traitement comparable à Bornéo ou ailleurs. Quoi
qu’il en soit, les boucles d’oreilles kayan stylisées
aso ont souvent des yeux similaires aux allures de
soucoupe avec un(e) iris / pupille central(e) presque
identique entouré(e) d’un anneau fi n (fi g. 9).
Harrisson est clairement frappé par la grande
ancienneté de la fi gure d’Imun Ajo’. Il la décrit
comme « presque brun olive et patinée par le
temps » et ayant « cette inébranlable authenticité
d’un long pedigree en amont du fl euve » (Harrisson
1964 : 159). Bien que personne ne conteste
ce pedigree d’amont du fl euve, personne ne sait à
quand elle remonte. Harrisson affi rme que la pièce
provenait de la femme de Tama Bulan, la fi lle du
chef, Lai’ing Anyi, mais n’en dit pas plus sur sa
lignée. En discutant de son ancienneté, il semble
penser comme les Kayan que la sculpture et le
sujet ne font qu’un et remontent donc ensemble à
d’innombrables générations. Cette prédisposition à
voir un grand âge peut en partie s’expliquer par
ses travaux archéologiques effectués à Sarawak, où
il fouillait les premières habitations de la région,
un procédé qui a mené à l’expédition qui a découvert
le crâne d’Homo sapiens vieux de trente-sept
mille ans dans les grottes de Niah en 1958 (Curnoe
2016, Heimann 2015). Harrisson mentionne
un « âge de bronze de Bornéo » vague et indéfi ni,
dont on retrouve quelques traces dans les archives
archéologiques, mais aucune preuve particulière ne
place la fi gure d’Imun Ajo’ dans ce contexte.
Les Kayan et autres peuples dayak ont une
longue tradition de travail du métal, en particulier
des alliages de cuivre, bien que ceci s’applique
généralement aux bijoux d’oreilles et autres objets
de parure. Diverses vagues de migration remontant
à des milliers d’années ont constitué la population
que l’on appelle aujourd’hui les Dayak. Certaines
migrations qui auraient pu avoir un impact signifi -
catif sur le travail du métal sont arrivées à Bornéo
il y a seulement entre mille cinq cents et mille ans,
probablement du sud de la Chine. Depuis la fi n
de l’âge de bronze en Chine il y a deux mille cinq
cents ans, les migrants chinois auraient certainement
apporté avec eux leur compréhension relativement
avancée de la technologie du métal et rendu
inutile (eux ou une précédente vague de migration)
le besoin d’un âge de bronze indigène. La création
kayan qui met en scène Imun Ajo’ inclut des références
aux premiers ancêtres qui introduisirent le
métal, ce qui peut venir étayer cette théorie.
Cela dit, si les fi gures dayak en alliage de cuivre
ne sont pas inconnues – la plupart sont de petits
charmes (fi g. 10) – la seule autre fi gure de Bornéo
connue qui soit vaguement comparable à Imun
Ajo’ est une femme en alliage de cuivre coulé en
creux tenant un bébé (fi g. 11) dérivée du Wahau
supérieur dans le Kalimantan oriental, qui fait
désormais partie de la collection de l’Honolulu
Museum of Art (de Grunne 2015 : 5-6). Elle est
plus grande et assez différente sur le plan stylistique
et leurs seuls points communs sont d’être
en alliage de cuivre et de ne ressembler à aucune
autre oeuvre d’art connue de Bornéo. La fi gure
d’Honolulu a été soumise à des tests de datation
scientifi ques avec le résultat extraordinaire de
390-290 av. J.-C. Malgré son âge, la surface de
cette sculpture ne présente pas une épaisse patine
archéologique. Le métal est plutôt lisse et doux
avec une incrustation plate, comme c’est le cas
d’Imun Ajo’.
FIG. 8 (EN BAS À GAUCHE) :
Figure d’autel d’ossuaire.
Kayan, Kalimantan du Nord-
Est (Bornéo), Indonésie.
XIXe siècle ou avant.
Bois, coquillage. H. : 91,4 cm.
ex-Tambaran Gallery, 1988.
Museum of Fine Arts, Boston, don de
William E. et Berthan L. Teal,
inv. 1994.411.
FIG. 9 (CI-DESSOUS) :
Boucle d’oreille belaung
jangin kalung tuang.
Kenyah ou Kayan,
Kalimantan (Bornéo),
Indonésie. XIXe siècle.
Alliage de cuivre. L. : 4,1 cm.
National Gallery of Australia, Canberra,
inv. 85.1583.
HISTOIRE D'OBJET