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travail doit rester vague jusqu’à ce que la tâche
nécessaire de catalogage et de datation du corpus
existant d’objets d’art soit entreprise. C’est la tâche
d’un musée. L’étude de l’art kuba débute à peine. »2
Découvrez Kuba: Fabric of an Empire au Baltimore
Museum of Art (19 août 2018-24 février
2019).3 Cette exposition utilise l’analyse de la datation
par le carbone pour déterminer une chronologie
défi nitive de l’innovation artistique kuba. Au
début du projet, les échantillons de quarante-deux
textiles kuba ont été envoyés au Rafter Radiocarbon
Laboratory, un département de datation par
le carbone 14 du National Isotope Centre de Nouvelle
Zélande. À l’aide de la dernière technologie
en date de spectrométrie de masse par accélérateur,
ce laboratoire a fourni aux auteurs une fourchette
de périodes possibles pour chaque textile ainsi que
les intervalles de confi ance correspondants pour
chaque période potentielle.4 Sur la base de ces
données, nous avons déterminé la période la plus
probable pour chaque échantillon. Ceci a été renforcé
par la provenance de chaque objet ainsi que
par des informations glanées dans les archives de
Vasina, les histoires publiées du royaume Kuba et
un examen des textiles des musées de Belgique, du
Canada et des États-Unis.
Ce qui émerge de cette enquête interdisciplinaire
est une histoire de motifs bidimensionnels kuba
qui commence au XVIIIe siècle et se termine au
début des années 1970. Nos recherches indiquent
que deux transformations formelles drastiques se
sont produites au cours de ces deux siècles d’histoire.
Premièrement, au fur et à mesure que l’État
kuba s’est développé et étendu, les motifs sur les
textiles créés pour la classe dirigeante du royaume
sont devenus de plus en plus audacieux et dynamiques.
Deuxièmement, la complexité et l’inventivité
croissantes des motifs s’accompagne d’une
différenciation croissante des couleurs au sein
des motifs. Les textiles produits au XVIIIe siècle
et au cours de la première moitié du XIXe siècle
sont défi nis par des motifs répétitifs et des détails
subtils rendus dans des couleurs monochromes qui
rendent moins lisible la relation entre les dessins
et le fond. En revanche, les oeuvres produites à la
fi n du XIXe et au début du XXe siècle sont défi nies
par de grands motifs brodés ou appliqués dans des
couleurs contrastées.
Ces changements de motifs soulèvent des questions
de lisibilité et de regard. À quel public
s’adressent ces textiles ? Et quelle est la réaction
attendue de la part de ce public ? Bien que toutes
les oeuvres d’art incluses dans l’exposition aient
été créées pour souligner la richesse et le pouvoir
– comme l’ont mentionné des érudits allant d’Emil
Torday à Patricia Darish – la manière dont chaque
motif est exécuté détermine les individus à qui ce
FIG. 2 (PAGE DE GAUCHE) :
« Bakuba ». Une brodeuse.
Photographie de Casimir
Zagourski (1880-1941).
Collection Pierre Loos.
Avec l’aimable autorisation d’Andres
Moraga Textile Art.
FIG. 3 (CI-DESSUS) : Jupe.
Kuba, province du Kasai
RDC. 1804-1894 (datation
par C14).
Fibre de raphia. 569 x 66 cm.
Collection privée, R.18060.3.
FIG. 4 (CI-DESSOUS) :
Surjupe (détail). Kuba,
province du Kasai RDC.
1912-1942 (datation
par C14).
Fibre de raphia. 132,1 x 58,4 cm.
Collection privée, R.18060.15.