TEXTILES DU PÉROU ANCIEN
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retrouvées sur le site de la nécropole de Wari Kayan,
sur la péninsule de Paracas, fouillé pour la première
fois dans les années 1920. Bien que le manteau et le
poncho partagent la même imagerie, ils n’ont vraisemblablement
pas été retrouvés sur le même individu.
Les paquets funéraires des Paracas contenaient
de nombreux textiles élaborés, de styles, auteurs et
motifs différents.1 Sur le grand manteau, certains des
félins imbriqués qui composent les contours angulaires
du textile possèdent deux têtes, exprimant
ainsi une notion de dualité (fig. 4b). Les queues prolongées
de quelques-uns des animaux se plient et
ondulent pour se mêler au corps d’un autre félin de
taille distincte et orienté différemment.
L’union d’éléments binaires en une seule entité est
illustrée par un grand panneau de plumes acquis auprès
du marchand Walram V. von Schoeler en 1949
(fig. 2). Composé de rangées superposées de milliers
de plumes attachées à une structure en coton, ce panneau
juxtapose des couleurs chatoyantes évoquant
une harmonie abstraite. Le contraste des couleurs est
accentué par la technique de confection utilisée : les
plumes jaunes sont attachées au moyen d’un noeud
différent et avec une fibre différente de celle employée
pour les plumes bleues.2 Par ailleurs, l’animal qui a
fourni les plumes, en l’occurrence l’ara bleu et jaune,
symbolise par sa coloration la notion de « conjonction
des opposés ». Avec son dos bleu et son ventre jaune,
l’oiseau tropical incarne la scission entre le haut et le
bas, en particulier lorsqu’il vole. Ce panneau wari fai-
La majorité des textiles de la collection du Saint
Louis Art Museum ont été achetés à des marchands
dans les années 1950 environ, époque à laquelle le
musée cherchait à étoffer sa collection. En 1956, le
musée a acheté à John Wise un lot comprenant un
manteau et un poncho paracas, ainsi que deux autres
pièces possédant une iconographie similaire (fig. 4 et
5). En raison de l’absence de signes d’usure sur ces
textiles, il est probable qu’ils aient été confectionnés
exclusivement pour des défunts. Leurs contours
se composent de chats brodés de manière serrée sur
un fond noir uni, rappelant le style dit linéaire associé
aux textiles utilisés pour envelopper les momies
sait partie des dizaines d’exemplaires de même taille
et aux motifs similaires trouvés dans le sud du Pérou
en 1943, enroulés et serrés dans de grandes jarres en
céramique.3 Les panneaux de plumes exhumés à cette
époque sont aujourd’hui abrités dans de nombreuses
collections à travers le monde, mais l’exemplaire du
Saint Louis Art Museum a été acquis dès 1949, soit
bien avant la plupart des autres panneaux.
Une tunique exceptionnelle attribuée à la civilisation
Ica de la côte sud du pays et datant d’environ
1000-1450 apr. J.-C. a également été achetée à von
Schoeler en 1949 (fig. 3). Elle se compose de quatre
sections tissées séparément dont les rangées en zigzag
d’oiseaux imbriqués et de formes géométriques
s’alignent presque parfaitement. Le cou et les entournures
de la tunique possèdent des bords brodés, qui
accentuent la complexité de ce vêtement masculin.
FIG. 5 (PAGE DE GAUCHE) :
Poncho. Paracas, Pérou.
200 av. J.-C.-100 apr. J.-C.
Fibre de camélidé, avec frange.
78,7 x 61 cm.
Saint Louis Art Museum, acquisition
du musée, Friends Fund, et fonds
fournis par la Maymar Corporation,
inv. 24:1956.
FIG. 6 (CI-DESSOUS) :
Fragment de textile.
Chimú, Pérou. 1100-1400
apr. J.-C.
Fibre de camélidé, coton. 70 x 32,1 cm.
Saint Louis Art Museum, échange avec
le Textile Museum, Washington, D. C.,
inv. 43:1967.