DOSSIER
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mon ouvrage reliaient pour la plupart les ancêtres
et leurs descendants afi n de guider et de protéger les
vivants, de remédier aux problèmes de santé physique
et mentale et d’éloigner le mauvais sort à l’aide
des esprits de l’autre monde. L’ambiguïté et l’ambivalence
étant typiques de tous les manga, toute différenciation
fonctionnelle est dès lors quelque peu
arbitraire. Toutefois, à des fi ns théoriques, des distinctions
ont été proposées entre les manga utilisés
collectivement et ceux utilisés personnellement, ainsi
qu’entre ceux poursuivant un seul objectif et ceux
ayant de multiples fi nalités. Si les spécialistes de l’art
et les collectionneurs se sont principalement intéressés
aux objets de pouvoir fi guratifs sculptés,
les Luluwa considèrent que l’essence du bwanga
réside à l’intérieur. Autrement dit, plutôt que sa
forme, c’est ce que contient l’objet qui importe le
plus. Les manga les plus courants étaient en fait des
réceptacles naturels comme des cornes, des coquilles
d’escargots, des calebasses et des crânes d’animaux
ou humains (fi g. 4).
De nouveaux manga étaient constamment inventés
et fabriqués, tandis que d’autres perdaient de leur
attrait et tombaient en désuétude au fi l du temps.
Ainsi, c’est la catégorie associée à certains types de
sculpture de fi gures anthropomorphiques en bois qui
revient le plus souvent et qui est sans doute la plus
remarquable : la bwanga bwa bukalenga. Ce terme
désigne des fi gures masculines d’envergure ornées de
divers emblèmes de chef sculptés, notamment une
peau de léopard et une épée (fi g. 5 et 6). L’une des
plus célèbres d’entre elles, avec ses yeux en coquillage,
se trouve dans la collection du MRAC et orne la
couverture de mon livre (fi g. 1). Ce type de bwanga
était destiné à préserver et renouveler l’autorité d’un
chef et est supposé représenter des ancêtres tenus en
haute estime. Parfois nommées d’après les hommes
qu’elles commémoraient, ces fi gures soulignent l’importance
des ancêtres et refl ètent la croyance selon
laquelle les défunts exercent une infl uence durable
sur la vie de leurs descendants. Les attributs des
sculptures suggèrent qu’elles symbolisent typiquement
des hommes qui ont atteint le statut politique
le plus élevé, le bukalenga bwa nkashaama, qui établissait
un lien privilégié entre le chef et le léopard
(nkashaama).
Baptisées bwanga bwa Cibola, les représentations
d’une femme enceinte ou d’une mère portant son enfant
constituent un autre type bien connu de fi gure
de pouvoir. Elles peuvent être sculptées en entier ou