DOSSIER
tique réelle ou supposée : leur simplicité, frisant
parfois une stylisation géométrique (fi g. 21 et 32),
et leur force expressive, étroitement liée à un souci
d’effi cacité.
C’est dans les fi gures de Bilu et de gardiens terribles
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que le génie des artisans, et Saya Shan et
birmans, trouve le mieux à s’exprimer. La fi gure
d’ogre cannibale en train de dévorer sa victime
(fi g. 42), pour ne citer qu’elle, ne mérite-t-elle pas
de rejoindre, dans notre musée imaginaire, les
productions les plus saisissantes de l’art magique
d’Afrique et d’Océanie ?
Un charme particulier émane des fi gures d’ogres,
de gardiens ou de Zogji à ce point rognées, à la
suite des manipulations, qu’il ne reste plus du personnage
entier que la tête (fi g. 27, 36 et 37). Vishnu,
dit la légende, réussit à convaincre les ogres des
temps anciens qu’ils feraient mieux de se dévorer
eux-mêmes, s’ils avaient faim, plutôt que de s’en
prendre au pauvre monde. Ce qu’ils fi rent, dans
leur grande naïveté, tant et si bien qu’il ne resta
d’eux que leur tête aux crocs acérés. De ce jour,
ils devinrent végétariens, se contentant de manger
des fl eurs, et les anciens cannibales reconvertis au
service de la Loi trouvèrent un emploi de gardiens
de temple. La pharmacie de village n’illustre-t-elle
pas le mythe, avec ses féroces Bilu retournés pour
la bonne cause ? Mais s’ils ont le pouvoir de mettre
en fuite les démons, n’est-ce pas parce qu’au fond
d’eux, ils sont restés carnivores – comme, peut-être,
sous le vernis de religions importées, les peuples de
la vieille Asie restent inconsciemment marqués par
l’animisme de leurs lointains ancêtres et le chamanisme
des temps originels ?
Vifs remerciements à U Than Tun et à Mimi, ainsi qu’à
Philippe Fatin, sans oublier Frédéric Rond, Jacques
Lebrat, Virgile Wahl-Boyer, Murielle Clément et nombre
de marchandes et de marchands de Yangon, Myinkaba,
Nyaungshwe et autres lieux, restés anonymes, sans
lesquels cet article n’aurait pu voir le jour.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
Shway Yoe (Sir George Scott), The Burman, his Life and
Notions, Macmillan, Londres, 1882-1910, rééd., The
Norton Library, New York, 1963.
Sir Richard Carnac Temple, The Thirty-Seven Nats, Londres,
FIG. 35 (À GAUCHE) :
Figure d’adorant porteur
d’offrandes dans la tradition
bouddhiste.
Poudre compressée et laquée.
H. : 7,2 cm.
FIG. 36 (EN HAUT) : Figure
fragmentaire de Zogji.
Poudre compressée et laquée.
H. : 8,6 cm.
FIG. 37 (CI-DESSOUS) :
Figure fragmentaire de Zogji.
Poudre compressée et laquée.
H. : 4,5 cm.
FIG. 33a-b (CI-DESSUS) :
Figurine de Garuda (Galon).
Poudre non laquée. H. : 5,4 cm.
FIG. 32 (À GAUCHE) :
Cavalier sur un félin,
probablement le
Nat Min Kyawzwa.
Poudre compressée
anciennement laquée.
H. : 3,6 cm.
FIG. 31 (À GAUCHE) :
Cavalier sur un félin,
probablement le
Nat Maung Po Tu.
Poudre compressée
anciennement laquée.
1906, rééd. Kiscadale, Londres, 1991.
Maung Htin Aung, Folk Elements in Burmese Buddhism,
Greenwood Press, Wesport, Connecticut, 1959-1978.
Melford E. Spiro, Burmese Supernaturalism, Philadelphie,
1967-1978.
Yves Rodrigue, Nat-pwe: Burma’s supernatural Subculture,
Kiscadale, Gartmore, Écosse, 1992.
Axel R.H. Bruns, Burmese Puppetry, White Lotus Press,
Bangkok, 2006.
Guillaume Rozenberg, Les Immortels, visages de l’incroyable
en Birmanie bouddhiste, éditions Sully, 2010.
The Journal of Burmese Studies, vol. 16,
n° 2, 2012, Northern Illinois University.
Contient entre autres des articles de B. Brac de la Perrière,
C. Coderey, G. Rozenberg, J. Schober, sur les Immortels
« Weikza » (ou « Weza ») de Birmanie.
Susan Conway, Tai Magic. Arts of the Supernatural in the
Shan States and Lan Na, River Books, Bangkok, 2014.
Chamane au coeur des corps : tatouage birman, médecine et
chamanisme, document internet, www.ethnikan.com.
FIG. 34 (CI-DESSUS) :
Figurine d’ours portant
deux bâtons, attributs d’un
gardien.
Poudre compressée, laquée et dorée.
H. : 2,5 cm.
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