2
Ces temps derniers sont aigres-doux, osons le dire. Avec des expositions
muséales rivalisant les unes avec les autres en excellence (citons Les forêts
natales au musée du quai Branly - Jacques Chirac ou Unvergleichlich au Bode-Museum,
deux blockbusters de la saison 2017-2018) et les maisons de vente enchaînant
de nouveaux records mondiaux – le top 10 inclus dans notre rubrique Marché de
l’art en atteste –, l’engouement pour les arts d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des
Amériques ne semble pas encore avoir atteint son sommet. Cela est évidemment
une excellente nouvelle et un grand motif de réjouissance, d’autant plus que les
enjeux sont importants au tournant de l’été, avec une rentrée culturelle jalonée de
rendez-vous « tribaux ». De Londres à Paris, en passant par Amsterdam, Bruxelles,
Barcelone, et la liste pourrait continuer, il n’y aura pas dix jours qui passeront en
Europe sans que les arts extra-européens soient au centre d’un événement majeur,
que ce soit l’ouverture d’un nouvel espace (Guilhem Montagut), l’inauguration d’un
Notre couverture illustre une fi gure masculine
bwanga bwa bwimpe, Luluwa, RDC.
Ex-coll. Josef Herman, Royaume-Uni.
Collection Nicole et John Dintenfass, États-Unis.
Éditorial
salon spécialisé (Tribal Art London, Parcours des mondes, Tribal Art Fair) ou généraliste (La Biennale de
Paris, Frieze Masters, PAD London, Brussels Art Square) ou une vente organisée par une grande maison de
vente (Christie’s, Sotheby’s, Binoche et Giquello, Piasa, Lempertz). Cependant, ces heures de gloire que vit
notre domaine sont ternies par une gêne, pour ne pas dire une inquiétude parmi les acteurs du marché de
l’art tribal à la suite des déclarations de Ouagadougou du Président Macron en faveur de la restitution du
patrimoine africain à l’Afrique.
Il n’y a pas lieu de débattre ici de cette question – la réfl exion est menée plus loin dans ce numéro par
un article d’Yves-Bernard Debie dont l’intérêt principal est d’apporter du contexte et de sortir le débat de
l’opposition simpliste entre le Bien et le Mal –, mais tout bonnement de nommer le malaise avec pour seul et
sincère souhait que le respect, l’ouverture d’esprit et la mesure guident nos pensées et, a fortiori, nos actions.
Les acteurs du marché de l’art tribal, marchands et collectionneurs que ce magazine se réjouit d’avoir pour la
plupart comme fi dèles lecteurs, sont particulièrement concernés par ce débat sur le devenir de l’art africain.
Leur contribution à la reconnaissance cet art a été et demeure fondamentale, or les aléas de l’actualité ont
fait qu’ils se sont retrouvés au coeur d’un tourbillon politique et médiatique, particulièrement vulnérables
aux dérives négatives que pourrait entraîner une gestion de la question qui ne tiendrait pas compte de toute
sa complexité et sans que leurs voix ne parviennent véritablement à s’exprimer.
Dans ce contexte morose, on comprendra notre joie à l’annonce de la création de la Bourse Anthony Meyer
pour l’étude des collections océaniennes du musée du quai Branly – Jacques Chirac et des musées français.
Louable par et pour elle-même – soutenir la recherche avec une allocation de six mille euros et la publication
des résultats dans le Journal de la Société des Océanistes mérite déjà tous les éloges – et bien qu’elle dépasse le
cadre africaniste concerné par le discours du Président français, cette initiative lancée par la Galerie Anthony
Meyer, avec le soutien des Amis du musée du quai Branly - Jacques Chirac et de la Société des Océanistes,
prend la valeur d’un symbole porteur d’espoir dans le domaine de la construction et du partage des connaissances
de ces arts autres certes, mais avant tout universels. À toutes les personnes impliquées dans la mise en
place de cette bourse, félicitations et merci.
Elena Martínez-Jacquet