LULUWA
105
que l’ethnonyme récemment introduit « luluwa »,
qui remplace les premières dénominations comme
Bashilange et Bapemba, désigne en réalité une
grande diversité de sous-groupes qui, par conséquent,
entraîne une grande diversité artistique. Bien
qu’elle trouve ses racines dans la région des Luba,
la culture Luluwa a été fortement marquée par ses
relations économiques avec les populations Tshokwe
qui, aux côtés d’autres marchands, ont communiqué
avec les Luluwa, se sont installées chez eux et ont
influencé leur culture spirituelle et matérielle, tout
comme leur art. Ce chapitre ethnographique met
aussi en lumière le célèbre chef Kalamba-Mukenge,
dont le pouvoir élargi lui valut un statut particulier.
Kalamba-Mukenge et sa soeur Meeta-Sangula sont
connus pour avoir diffusé une nouvelle religion reposant
sur la consommation de dyamba, ou cannabis
(Cannabis sativa). D’un point de vue artistique,
cette religion Dyamba est supposée avoir déclenché
un mouvement iconoclaste causant la destruction de
certains arts traditionnels qui, selon cette croyance
fraîchement établie, devaient être interdits et remplacés
(fig. 3).
Le chapitre suivant, dédié à la sculpture figurative
luluwa, comprend deux volets : une étude des catégories
fonctionnelles pouvant accueillir les divers
types de figures et une analyse des différents styles
et sous-styles. Ce vaste chapitre est illustré par de
nombreuses oeuvres issues de collections publiques
et privées du monde entier, dont beaucoup n’avaient
encore jamais été publiées. En général, la sculpture
figurative luluwa entre dans une grande catégorie
nommée bwanga (pluriel : manga) en langue locale.
Comme son équivalent nkishi et ses multiples variantes
phonétiques, le terme bwanga est utilisé par
des peuples congolais variés pour désigner ce que
la littérature actuelle appelle « objets de pouvoir »,
autrefois qualifiés péjorativement de « fétiches ». De
manière générale, les manga sont des objets investis
d’un esprit qui jouent le rôle d’intermédiaires
entre le monde humain et le monde spirituel. Les
pouvoirs métaphysiques des oeuvres étaient suscités
par l’application ou l’insertion d’ingrédients ou
de substances médicinales de toutes sortes, appelés
bishimba, ce qui permettait aux objets d’influencer
l’existence de leurs propriétaires ou utilisateurs.
C’est la fonction communicatrice ou médiatrice
de l’art Luluwa qui a inspiré le sous-titre de ma
monographie. En effet, situées entre ciel et terre et
partagées entre les deux, les oeuvres illustrées dans
FIG. 9a-b (PAGE DE
GAUCHE) : Figure masculine
bwanga bwa bwimpe.
Luluwa, RDC.
Bois, pigments. H. : 22,8 cm.
Ex-coll. Josef Herman, Royaume-Uni.
Collection de Nicole et John
Dintenfass, États-Unis.
Photo © Vincent Girier Dufournier,
Paris.
Le terme bwimpe associé à cet objet
ainsi qu’au culte qui lui est voué doit
être compris dans son sens culturel
global de « beauté morale », une
combinaison de beauté extérieure et
de bonté intérieure.
FIG. 10 (À DROITE) :
Figure féminine bwanga bwa
bwimpe. Luluwa, RDC.
Bois, pigments. H. : 19 cm.
Ex-coll. Serge Brignoni, Suisse ; Patrik
Froehlich, Zurich, Suisse ; collection
privée, Belgique ; Jacques Germain,
Montréal, Canada.
Collection privée.
Photo avec l’aimable autorisation de la
Galerie Jacques Germain, Montréal
© Hughes Dubois, Bruxelles-Paris.
Les figures bwimpe sont pour la
plupart de petite taille et de sexe
féminin, mais des exemplaires
masculins de plus grande taille ont été
observés et collectés in situ.