NEGRO ANTHOLOGY
par la sculpture bambara ou le Ku Klux Klan dans
l’Indiana. En ce qui concerne l’art africain, Nancy
Cunard avait confi é l’écriture des textes à des
auteurs de référence tels que Charles Ratton, Carl
Kjersmeier et Henri Lavachery. Ils étaient marchands,
collectionneurs ou conservateurs. Cette
section sur l’art africain, très illustrée, rassemblait
quatre-vingt-dix photographies et douze planches
de croquis d’objets, pour la plupart issus de collections
muséales prestigieuses (British Museum,
musée d’Ethnographie du Trocadéro et musée du
Congo belge de Tervuren) et de collections particulières
(Paul Guillaume, Félix Fénéon, Charles
Ratton). Elle proposait aussi une longue liste de
musées américains et européens qui conservaient
des objets africains.
En la déployant dans l’espace muséal, Sarah
Frioux-Salgas dévoila la nature singulière et innovante
de la Negro, qui se manifeste dans sa forme
et sa composition ; elle dessina ainsi des clefs de
lecture de cet ouvrage transversal qui décloisonne
les genres pour présenter la civilisation noire de
manière très variée sans établir de frontière ni de
hiérarchie entre les arts, la musique, la politique, le
social, l’histoire et la poésie.
En 2015, alors que nous consultions au musée
du quai Branly-Jacques Chirac un manuscrit exceptionnel
et jamais publié – la première version
du célèbre Discours sur le colonialisme d’Aimé
Césaire, dont nous préparions la publication du
tome II des Écrits politiques –, la responsable des
archives glissa entre nos mains le livre légendaire.
Après avoir éprouvé ce voyage singulier à travers
l’histoire intellectuelle, artistique et politique,
nous avons senti l’évidence et la nécessité de réédila
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prise de conscience de Nancy Cunard et de son
époque, et la genèse de l’ouvrage. On pouvait
notamment découvrir une galerie de portraits des
cent cinquante-cinq contributeurs, militants, journalistes,
artistes, universitaires, africains-américains,
antillais, africains, latino-américains, américains,
européens, femmes et hommes. Au-delà des
quelques noms plus ou moins familiers de Langston
Hughes, Zora Neale Hurston, Alain Locke (trois
fi gures majeures de la Harlem Renaissance) ou de
René Crevel, on croisait des signatures oubliées qui
s’étaient penchées sur les sujets les plus divers : de
Joséphine Baker aux chansons créoles en passant