LULUWA
107
prendre la forme de bustes terminés par une base
pointue. Bon nombre d’exemples de cette vaste catégorie
sont conservés dans des collections aux quatre
coins du monde et affichent des styles extrêmement
variés (fig. 7 et 8). Évoquant la fertilité et la protection
des femmes enceintes, des nouveau-nés et des
jeunes enfants, la bwanga bwa Cibola était avant
tout destinée à assurer le bon déroulement de la
grossesse et de l’accouchement pour les femmes qui
avaient subi plusieurs fausses couches ou dont les
enfants étaient morts peu après la naissance. Selon la
croyance, si une femme avait de la malchance dans
ces domaines, c’est parce qu’elle était possédée par
une force métaphysique appelée Cibola, dont elle
devait être libérée en subissant un isolement et un
rite d’initiation marqué par une multitude d’injonctions
et d’interdictions. Des pratiques semblables
ont été observées et étudiées dans d’autres cultures
du centre et du sud de l’Afrique et sont typiquement
considérées comme étant des « cultes d’affliction »,
renvoyant à des méthodes thérapeutiques utilisées
pour chasser les mauvais esprits.
Les figures nommées bwanga bwa bwimpe ou bulenga
représentent un autre type populaire de sculpture
luluwa. Il s’agit de petites représentations de
femmes tenant une coupe ou un bol dans une main et
parfois un pilon ou une canne dans l’autre (fig. 9 et
10). Toutefois, certaines sculptures de grande taille,
dont des exemplaires masculins, appartiennent également
à cette catégorie (fig. 11 et 12). Le nom de
cette figure de pouvoir et les rites qui y sont associés
font référence à la beauté sur le plan culturel au sens
large, à savoir une combinaison de traits extérieurs
ou physiques et de qualités intérieures ou éthiques.
Cette beauté morale, soit l’union du bon et du beau,
exprimée par le terme bwimpe et son synonyme
bulenga, visait à procurer la meilleure protection
possible contre la sorcellerie et les autres forces malfaisantes.
Au quotidien, la beauté morale convoitée
impliquait toujours une intervention culturelle ou
humaine, qui passait notamment par l’application
sur la peau de motifs de scarification curvilignes et
géométriques, fidèlement reproduits sur les figures
bwimpe ainsi que sur la Cibola et d’autres types de
sculptures figuratives dont la mission première était
d’assurer une protection.
Après un passage en revue des différentes catégories
fonctionnelles représentées par les figures luluwa
abritées dans les collections du monde entier, la dernière
partie du second chapitre aborde quelques-unes
FIG. 11a-b (PAGE DE
GAUCHE) :
Figure féminine bwanga bwa
bwimpe. Luluwa, RDC.
Bois, pigments. H. : 29 cm.
Collectée sur le terrain par Casimir
Fontaine, Belgique, 1928-1945.
Ex-coll. Philippe Guimiot, Bruxelles,
Belgique ; Nathalie Chaboche et Guy
Porré, Belgique et France ; Sotheby’s,
Paris, 18 juin 2014.
Collection de Sindika Dokolo, Angola.
Photo © Sotheby’s/Art Digital Studio.
Indiquant un rang élevé et des
privilèges, les scarifications, les bijoux
et les coiffures élaborées soulignent
la beauté d’une figure du point de
vue indigène. Parmi les Luluwa, la
perfection physique est un signe
d’intégrité morale.
FIG. 12 (À DROITE) :
Figure féminine bwanga bwa
bwimpe. Luluwa, RDC.
Bois, pigments. H. : 51,4 cm.
Collectée sur le terrain par Paul
Timmermans probablement entre 1955
et 1962.
Donald and Adele Hall Collection of
African Art, États-Unis.
Photo avec l’aimable autorisation du
Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas
City © Franko Khoury.
Cette figure de grande taille
savamment sculptée et dotée de
scarifications complexes ressemble
étonnamment à une oeuvre conservée
au Dayton Art Institute qui aurait également
été collectée sur le terrain par
Paul Timmermans à la fin des années
1950 ou au début des années 1960.