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matière dont l’objet est composé (fig. 14). Une fois
vides, les réceptacles peuvent être rechargés (fig.
17). Certains de ces objets affectent la forme d’un
cône, forme habituelle, avec le cylindre, des médecines
aniconiques, dans laquelle s’inscrit parfois la
silhouette d’un personnage (fig. 30 et 39) ; d’autres
offrent toute une galerie de figures mythologiques
ou animales, dont nous tenterons de faire un premier
inventaire, bien évidemment non exhaustif.
Quant à savoir de quelle région de la Birmanie
ces objets sont originaires, les informateurs sont
d’accord pour désigner les États Shan, au centreest
du pays, en débordant vers l’ouest et le nord sur
la division de Sagaing, entre Wuntho et Kawlin,
vers la frontière de l’État Kachin (communication
orale de U Than Tun, Yangon, 2016). Pin U Lwin
(l’ancien Maymyo) et la région du mont Popa,
fief du culte des Nats, dans le district de Mandalay,
mais aussi, plus à l’ouest, Myaing (district de
Magway) et Pye (Prome, district de Pegu, capitale
d’un royaume ancien, sur l’antique territoire des
Pyu) sont également cités comme lieux d’origine
de figures de médecine. Il paraît établi que cellesci
sont, ou étaient utilisées en Haute-Birmanie, à
l’initiative des chamanes-guérisseurs d’origine
Shan (« Se Weza » ou « Saya » en birman, « Sala »
en taï du nord). Pour ce qui est de leur ancienneté,
ces instruments à la fois magiques et utilitaires,
donc périssables, ne remontent guère, sans doute,
à part quelques exceptions, au-delà de la période
coloniale britannique (1886-1948), et, le plus souvent,
à deux ou trois générations ; ils font partie de
pratiques « médicales » en voie de disparition, à la
différence du tatouage propitiatoire et du recours
aux amulettes de protection.
On a quelque idée de l’usage qui est fait des
figurines par le Saya dont peu d’observateurs,
en dehors de Melford Spiro (1967/1978), ont eu
l’occasion de décrire les pratiques. Il apparaît que
les poudres dont est constitué le corps de la figure,
ou qui sont contenues dans le réceptacle, s’il s’agit
d’une fiole, sont d’abord raclées ou extraites de
celle-ci pour être dissoutes dans l’eau et avalées par
le patient. D’autres sources font état de pratiques
FIG. 1-4 (PAGE DE GAUCHE,
DE HAUT EN BAS) :
1: Gardien Bobogyi sculpté dans la pierre.
Po Win Taung. XVIe-XVIIe siècle.
2 : Zogji ou Zawgyi, l’alchimiste-magicien.
Réclame d’une boutique de « palmiste »
(chiromancien), Pegu, 2016.
3 : L’Ogresse mangeuse de fleurs, Nat
tutélaire du Mont Popa, et ses deux fils.
2016.
4 : Sculpture en bois doré de Nat surmonté
d’une figure d’esprit surnaturel marquant
sa double nature. Temple de Schwezigon,
Nyaung U. XVIIIe siècle.
Photos de l’auteur.
FIG. 5-9 (À DROITE,
DE HAUT EN BAS) :
5 et 8 : reliefs en stuc
figurant des ogres gardiens.
In Dein, Lac Inlé. XVIIe siècle.
6, 7 et 9 : Pierres sculptées
figurant des ogres cannibales.
Mrauk U, Arakan. XVIe siècle.
Photos de l’auteur.
FIG. 10 (À GAUCHE) :
Ornement de peigne à
carder figurant deux Bilus
simiesques s’affrontant.
Bois laqué. H. : 18 cm.
Pour toutes les pièces :
Collection M.P., Paris.
Photo : Guillaume Castellano.