de tatouage : la poudre, mélangée à de l’encre de
suie, du rouge minéral, de la bile ou de l’huile de
sésame, est injectée sous la peau à l’aide d’une
pique de métal, selon des formes particulières
impliquant l’usage de diagrammes par ailleurs
souvent réduits eux-mêmes en cendres afi n d’être
consommés en potions (Susan Conway, 2014). Les
maladies, quelles qu’elles soient, d’ordre physique
ou psychique, mais aussi bien les mauvais coups du
sort et les revers de fortune sont attribués à l’action
de démons, de fantômes, de sorcières ou de sorciers
« du chemin d’en bas » (adeptes de la magie noire)
dont il s’agit de contrecarrer les manigances. Selon
la gravité du cas, le Saya, de l’herboriste de la tradition
ayurvédique à l’exorciste du « chemin d’en
que revêt la fi gure de médecine est elle aussi en rapport
avec la nature du but recherché, comme c’est
également le cas dans l’art du tatouage, où les qualités
propres à l’animal représenté, chat, singe ou
tigre (fi g. 44 et 45), sont censées être transférées de
l’image tatouée à celui qui la porte.
Un exemple est rapporté par U Than Tun, celui
de la fi gure d’ogre-gardien (Nat-bilu) (fi g. 17) destinée
à lutter contre un phénomène de possession :
la matière dont elle est faite est composée d’un
mélange de quatre sortes de terre, correspondant
aux quatre éléments – respectivement, de la terre
provenant d’un monastère, d’un cimetière, d’un
carrefour et des berges d’une rivière.
haut », dispose de tout un éventail d’ingrédients
allant d’inoffensives poudres végétales à des composants
plus scabreux, qui ne se distinguent pas
toujours des produits utilisés par ses confrères et
adversaires du « chemin d’en bas » : une certaine
ambiguïté plane sur la personne et les manoeuvres
du sorcier, tant il est vrai que depuis le pharmakon
des Grecs, potion et poison entretiennent un rapport
étroit, dans la langue comme dans la pratique.
Pour écraser les substances et effectuer leur mélange,
le Saya dispose d’un jeu de coupelles (jusqu’à
une dizaine), faites dans des calottes crâniennes
d’humains ou de singes, qu’il jette par-dessus son
épaule. Si la coupelle retombe sur le sol à l’envers,
elle est écartée : le Saya ne se servira que de celles
retombées à l’endroit (U Than Tun, 2016).
Au dire de Sir George Scott, il existe selon la tradition
birmane quatre-vingt-seize espèces de maladies,
dont les symptômes varient en fonction des trentecinq
tempéraments, sans compter les quarante-cinq
sortes d’accidents, les trente-deux mauvais coups du
sort et les vingt-cinq dangers (représentés par les
bêtes sauvages, les assassins, etc.). On imagine, à
partir de cette liste, quelle variété inspire la composition
des poudres visant à contrecarrer l’action des
puissances maléfi ques. À n’en pas douter, la forme
DOSSIER
FIG. 11 (CI-DESSOUS) :
Flûte en bois servant à retenir
l’âme en partance.
Bois, tissu. H. : 14 cm.
FIG. 12 (CI-DESSUS) :
Figurine de zébu.
Poudre compressée et laquée.
H. : 4,5 cm.
FIG. 13 (À GAUCHE) : Figure
de gardien.
Matière composite compressée et
laquée. H. : 7,3 cm.
FIG. 14 (CI-DESSUS) :
Matière magique et
médicinale contenue à
l’intérieur de la fi gure d’ogre
cannibale en fi gure 42.
Diamètre : 8 cm.