THE ABORIGINAL PORT FOLIO
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Le ministère de la Guerre est manifestement satisfait
du travail de Lewis et lui demande d’assister à
d’autres congrès, notamment le Traité de Fond du Lac
en 1826 et les Traités de Green Bay, de Mississiniwas
et de Fort Wayne, tous en 1827. L’artiste crée des
images chatoyantes des personnalités amérindiennes
présentes à chacune de ces assemblées, consignant
minutieusement le nom et les affi liations culturelles
des sujets, ainsi que des informations détaillées sur
leurs tenues et leurs accessoires. Les oeuvres de Lewis
étaient ensuite envoyées au ministère de la Guerre, qui
les conservait en guise d’archives. Bon nombre d’entre
elles ont été copiées par des artistes comme Charles
Bird King et Henry Inman, qui s’en inspiraient pour
réaliser des portraits à l’huile grandeur nature.
Si les portraits de Lewis ont joué un rôle majeur en
tant qu’archives culturelles et politiques, son oeuvre la
plus impérissable allait voir le jour quelques années
plus tard avec la publication de The Aboriginal Port
Folio en 1835 et 1836. Cet ouvrage consistait en une
série de lithographies in-folio signées George Lehman
et Peter S. Duval, de Philadelphie, et inspirées des
portraits originaux de Lewis. Ce portfolio fut lancé
sous forme de dix volumes commercialisés par abonnement
mensuel, chacun d’eux contenant huit images
colorées à la main succédant à une brève introduction.
Les volumes furent vendus deux dollars pièce, dès le
mois de mai 1835, soit un total de vingt dollars pour
la série complète. Antérieure à celle de McKenney et
Hall, cette série d’images représentant des Amérindiens
est la première du genre à avoir été publiée.
Malheureusement, le projet a été marqué par une
multitude de problèmes de production et fi nanciers,
peut-être parce que Lewis voulait qu’il aboutisse
avant la sortie du premier volume de McKenney et
Hall. La couverture du huitième volume comporte
des représentations à main levée des gravures professionnelles
fi gurant sur les autres. Le dixième volume
a été publié à quelques exemplaires seulement et ne
contient que cinq images dues à Lewis. Les dates et
le numéro du volume sur la couverture sont manuscrits.
Aujourd’hui, seule une poignée de séries complètes,
soit dix volumes et quatre-vingts planches, a
subsisté. Un onzième volume, Historical and Biographical
Description of the Indians, qui devait contenir
des informations détaillées visant à étayer les images,
n’a manifestement jamais vu le jour. Néanmoins, le
projet a fait l’objet de rééditions limitées, notamment
une édition londonienne intitulée The North American
Aboriginal Port-Folio, publiée par Ackermann &
Co. en 1838 et comprenant sept planches colorées à
la main issues de l’édition originale et disposées en
regard de textes décrivant en détail les sujets illustrés.
North American Aboriginal Port-Folio a quant à lui
été publié par George Adlard de New York en 1839.
Ce portfolio se compose d’images de qualité inférieure
retravaillées par Bufford’s Lithography mais, à l’instar
de l’édition de Londres, comprend de nombreuses explications
et nettement plus d’entrées. Le texte révèle
que Lewis avait mené des entretiens approfondis avec
ses modèles et conservé des notes détaillées.
Les portraits réalisés par Lewis fi gurant dans ces ouvrages
démontrent que l’artiste accordait une grande
importance aux détails. Les divers éléments composant
les tenues, les parures, les accessoires et les objets
de troc des Occidentaux sont reproduits avec minutie.
En revanche, on ne peut pas en dire autant des
portraits eux-mêmes. Les visages des sujets sont
systématiquement peints de la même manière
caricaturale, avec de hautes pommettes, un nez
saillant et un menton fuyant. Nous ne savons
pas si cela découle d’un manque de talent de
Lewis ou d’une volonté délibérée de souligner
l’origine non européenne de ses modèles.
Lewis s’est éteint à New York en 1858. Ses
oeuvres n’ont hélas pas survécu beaucoup plus
longtemps. Ses originaux avaient été transférés
du ministère de la Guerre vers le Smithsonian,
où le tristement célèbre incendie de 1865 a ravagé
la totalité de son corpus. Parmi les oeuvres
originales de Lewis, aucune ne semble avoir subsisté.
Les seules traces dont nous disposons aujourd’hui
sont ses folios publiés et les oeuvres que d’autres artistes
ont réalisées en s’inspirant des siennes. Vingtsept
des cent cinquante lithographies qui composent
l’ouvrage de McKenney et Hall, History of the Indian
Tribes of North America, sont basées sur des oeuvres
de Lewis (fi g. 12), tandis qu’un certain nombre de
peintures de Charles Bird King, entre autres, sont des
interprétations de ses portraits originaux (fi g. 13). Un
inventaire publié par Lewis lui-même en 1850, Catalogue
of the Indian Gallery, atteste qu’une multitude
d’oeuvres ont disparu à jamais.
NOTES
1. Voir Tom McLaughlin, « Between the Seas: Images of Plains Indians
by Karl Bodmer », Tribal Art magazine, automne / hiver 2008.
2. Voir Mille Gabriel, « Preserving the Vanishing : Images of Native
Americans by Charles Bird King », Tribal Art magazine, hiver 2012.
3. James Otto Lewis, introduction à The Aboriginal Port Folio, no 1, mai
1835.
FIG. 13 (CI-DESSUS) : Henry
Inman (1801-1846), d’après
Charles Bird King, d’après
James Otto Lewis, Tshi-Zun-
Hau-Kau (Celui-Qui-Court-
Avec-Le-Cerf), Winnebago,
vers 1832.
Huile sur toile. 76,8 x 64,1 cm.
Ex-Thomas L. McKenney, 1832-vers
1844 ; Tileston & Hollingsworth,
Boston, MA, vers 1844 ; Peabody
Museum of Archaeology and
Ethnology, Harvard University, 1882 ;
Gerald P. Peters Gallery, Santa Fe, NM,
1981 ; collection privée, Dallas, TX,
1981-2004 ; Gerald Peters Gallery,
Santa Fe, NM, 2004.
Fine Arts Museums of San Francisco,
achat du musée, don de la Richard
C. von Hess Foundation,
inv. 2004.165.
Tshi-Zun-Hau-Kau tient dans sa main
droite un bâton-calendrier de son
invention, qui serait actuellement
conservé dans la collection du
Cranbrook Institute of Science et fait
l’objet d’une monographie publiée
par Robert H. Merrill dans le no 24 du
Bulletin de cette institution, paru en
octobre 1945.