BIRMANIE
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TYPOLOGIE DES FIGURES DE MÉDECINE
Plusieurs approches laissent entrevoir la possibilité
de classer ces objets, selon que l’on considère leur
fonction, leur style ou l’identité du personnage, de
l’animal ou de la chose représentée.
Il est difficile d’attribuer à chaque figurine une
assignation précise, en l’absence d’information puisée
à la source. On peut considérer néanmoins que
les personnages à l’aspect terrifiant, tels les géants
cannibales (fig. 27, 39 et 42) et la plupart des Natbilu,
gardiens aux allures d’ogres (fig. 17, 19 et 26),
donnent forme aux médecines les plus puissantes,
chargées de combattre les forces maléfiques. À ce
sujet, on peut s’interroger sur l’ambiguïté de la
figure du Bilu (alias Balu ou Belu) birman, tantôt
présenté comme un monstre aux yeux rouges (fig.
26), carnivore et même anthropophage (fig. 39 et
42), tantôt comme un ogre repenti, devenu (sous
l’influence du brahmanisme, puis du bouddhisme ?)
un « mangeur de fleurs ». Une autre ambiguïté peut
exister entre le Bilu et certaines figures de grands
singes (fig. 10). On aurait tort, à mon sens, d’imaginer
que les figures d’ogres cannibales ont nécessairement
quelque rapport avec les rituels de magie noire
du « chemin d’en bas ». Ce qu’elles magnifient, c’est
la puissance « pharmaceutique » de la force destructrice
mise au service de la loi. Que l’ogre, au demeurant,
appartienne au monde des origines, qu’il renvoie
à des croyances et à des cultes archaïques, c’est
chose probable : n’est-ce pas de cet enracinement
dans l’univers primitif qu’il tire sa force ?
Les gardiens, souvent proches des Bilu, mais
dépourvus de crocs et munis d’armes ou de bâtons
qu’ils portent sur l’épaule, sont eux aussi des personnages
ambigus (fig. 13, 15 et 40). Physiquement
voisins des ogres, ils veillent, dans la mythologie
hindoue, des quatre côtés du mont Meru, sur les
démons et les esprits potentiellement dangereux,
au nombre desquels comptent précisément les
Bilu, à côté des Nagas et des griffons (« Galon »).
D’autres gardiens, au sourire débonnaire, veillent
sur les maisons qu’ils protègent de l’incursion
des voleurs et des incendies. Vieux et barbus (fig.
25), ils évoquent le personnage du « Bobogyi », le
grand-père (fig. 1), ancêtre clanique qui veille sur
les villages, survivant d’un univers oublié.
Les animaux confèreront à la personne traitée
leurs qualités : courage et résistance chez le zébu
(fig. 12), figure traditionnellement prisée des combattants,
puissance sexuelle du singe ithyphallique
(fig. 22), rapidité et souplesse du félin (fig. 38),
force de l’ours (fig. 34). Melford Spiro a décrit une
séance d’exorcisme au cours de laquelle le praticien
fait boire à son patient, mélangées aux cendres
d’un diagramme bouddhique, les rognures d’une
figurine de boeuf pour le délivrer de l’emprise d’une
« Oktazaun », succube gardienne de trésor.
Les Nats, (ou Na’, ou Naq) dont l’iconographie,
pour ce qui est des trente-sept Nats « officiels »
et de quelques autres, est repérable car codifiée
FIG. 17 (À GAUCHE) :
Figure d’ogre-gardien
Nat-bilu.
Poudre compressée anciennement
laquée. H. : 9,3 cm.
FIG. 18 (EN HAUT) :
Figurine de Zogji,
l’alchimiste-magicien.
Poudre compressée et laquée.
H. : 6,1 cm.
FIG. 15 (CI-DESSUS) : Figure
de gardien.
Matière magique compressée, laquée
et dorée. H. : 9 cm.
FIG. 16 (CI-DESSUS) :
Figure d’adorant.
Poudre compressée et laquée.
H. : 8,5 cm.