DOSSIER
Cependant, à la lumière des commentaires de l’un
des membres de mon comité de thèse, à savoir l’historien
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de l’art et anthropologue Rik Ceyssens, expert
des cultures et des arts de la région du Kasaï, je suis
aujourd’hui moins convaincu par cette chronologie,
refl et de l’émergence, au XIXe siècle, d’une distinction
sociétale entre les roturiers et les nobles. Au
contraire, je pense désormais que les deux catégories
de style, et les différences fonctionnelles qu’elles expriment
sans doute, ont toujours cohabité et constituent
des expressions de ce que l’on pourrait appeler
art populaire ou traditionnel, d’une part, et art de la
cour ou de l’élite, d’autre part.
Ceci étant dit, dans la continuité d’une tendance
déjà observée par Albert Maesen au milieu des années
1950, lorsque j’ai parcouru le territoire luluwa
au milieu des années 1990, l’art traditionnel ou dit
historique avait presque totalement disparu. Cette
situation complique évidemment toute tentative de
retracer les fonctions et les signifi cations des oeuvres
d’art qui ont été conservées dans les collections occidentales
après avoir quitté le continent africain voici
plus de cinquante ans. C’est l’une des raisons pour
lesquelles j’espère que mon livre sera perçu comme
un document utile sur l’art luluwa et les pratiques
et croyances associées qui, malheureusement, appartiennent
désormais au passé.
Luluwa : Art d’Afrique centrale entre ciel et terre
Par Constantin Petridis
Publié en anglais et en français aux éditions Fonds Mercator,
Bruxelles, 2018
240 pages, 29,7 x 24,5 cm, plus de 200 illustrations
ISBN : 9789462302143 (édition anglaise)
Relié, 79,95 euros
FIG. 20 (À GAUCHE) :
Deux danseurs masqués,
Kayembe Mbanda et
Katukonki wa Tshabu, avec
leur gardien, avant une
représentation dans le village
de Kapinga Kamba, en août
1994.
Photo © Constantin Petridis.
Bien que les coiffes et les ornementations
de ces deux masques évoquent
les traditions de mascarades davantage
étudiées des Tshokwe, le masque masculin
– qui n’est pas sculpté en bois –
appelé Kayembe Mbanda semble être
une création propre à un artiste ou à
son atelier appartenant au sous-groupe
luluwa Bashila Kasanga, documenté
grâce à des photos prises sur le terrain
À partir des années 1930.
FIG. 21 (CI-DESSUS) :
Masque-heaume. Luluwa,
RDC.
Bois, pigments, métal. H. : 34,9 cm.
Ex-coll. Merton Simpson, New York,
États-Unis, en juin ou juillet 1959 ;
Werner Muensterberger, États-Unis ;
Sotheby’s, New York, 11 mai 2012.
Collection privée.
Photo © Sotheby’s/Art Digital Studio.
Ce masque-heaume impressionnant
fait partie d’un groupe de plusieurs
masques luluwa apparemment
uniques. Exécutée en haut-relief,
sa décoration faciale rappelle un
certain nombre de fi gures luluwa.
Il est comparable à d’autres
masques-casques rares associés au
commandement, aux cérémonies
d’investiture et aux rites funéraires
chez des peuples voisins des Luluwa,
comme les Luntu, les Kuba et les
Pende orientaux.
FIG. 22 (PAGE DE DROITE,
EN HAUT) : Masque facial.
Luluwa, RDC.
Bois, pigments, métal, fi bres, perles.
H. : 27 cm.
Apparemment collecté sur le terrain
par M. Van Baelen, Belgique, au début
du XXe siècle.
Ex-coll. Christie’s, Paris, 16 juin 2009 ;
Alain de Monbrison, Paris, France.
Collection privée, Belgique.
Photo © Christie’s Images Limited.
En ce qui concerne la provenance et
le style, ce masque facial peint est
étroitement lié à des exemplaires
observés et collectés dans la région
des Luluwa au début du XXe siècle par
Leo Frobenius et à d’autres masques
aujourd’hui abrités dans les musées
d’Hambourg et de Tervuren.