STEFFEN PATZWAHL
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à planifi er, maintenir mais également élargir une
communauté de neuf cents espèces d’oiseaux. La
Fondation a mis en place de nombreux projets de
sensibilisation des populations locales à la fragilité
de la faune locale dans les Caraïbes, Majorque,
la République dominicaine, le Vietnam, la Sibérie
puis l’Alaska. Durant tous ces voyages je n’ai
jamais cessé de chercher des objets en lien avec
la nature. J’apprécie particulièrement les objets
zoomorphiques, comme cette cloche faite dans
une carapace de tortue. Les Massaïs l’utilisent
pour retrouver leurs chèvres ou leurs vaches dans
la brousse.
N. G. : L’art, les traditions et, bien entendu, la
nature sont au coeur de l’expérience offerte dans
Pairizi Daiza. Comment avez-vous sélectionné et
réalisé les différents univers proposés ?
S. P. : Une idée commence toujours par un
voyage. Éric et moi visitons les endroits qui nous
semblent les plus riches au niveau animal, végétal
et culturel. Dans chaque univers représenté
dans le parc, vous retrouverez les animaux
emblématiques de la région mais également des
sculptures, des temples ou encore des maisons
traditio nnelles. L’univers de Ganesha par
exemple rassemble une vingtaine d’éléphants
d’Asie, des statuettes de la divinité hindouiste à
la tête d’éléphant, Ganesh, ainsi qu’un temple
typiquement balinais, conçu et construit avec des
prêtres et des artistes locaux. Nous travaillons
toujours avec des artisans du lieu d’origine pour
s’assurer de la qualité de leur savoir-faire.
Pour l’instant, nous avançons sur un nouveau
projet autour de l’île de Vancouver et du peuple
Aida qui s’appellera Wilderness. Nous avons
sélectionné des animaux emblématiques tels que
les ours, les loups, les élans, les grands corbeaux,
très importants dans la mythologie des premières
nations, et nous avons déjà rencontré plusieurs
artistes locaux qui fabriqueront des totems.
Malheureusement, ils ne sont pas anciens, mais
ils sont réalisés selon des rites culturels encore
vivants. Ce sera plus compliqué le jour où nous
voudrons reconstituer l’univers des Incas, mais
nous aviserons le moment venu.
N. G. : Quel message souhaiteriez-vous
transmettre au sujet de l’avenir de l’humanité et
de sa richesse culturelle ?
FIG. 10a-h (PAGE DE
GAUCHE, DE HAUT EN BAS
PAR REGISTRES) :
Ensemble de têtes réduites
tsantsa, Jivaro, Pérou ;
monnaie en plumes tevau et
barava de Santa Cruz ; crâne
Abelam, PNG ; fi gurines
aviformes, Amérique du
Nord, 1 500 - 1 000 av. J.-C. ;
pélicans blancs (Pelecanus
onocrotalus) Pairi Daiza ;
crâne humain avec traces
de sacrifi ces, Tibet ; modèle
d’étude de plante carnivore
dosera, XIXe siècle ; crâne
humain et crâne de crocodile
(Crocodylus porosus).
S. P. : Un proverbe sénégalais dit avec justesse :
« On protège ce qu’on aime et on aime ce qu’on
connaît. »
Avec le parc, nous souhaitons initier nos
visiteurs, jeunes et adultes, au respect de la nature
et à sa protection. Quand ceux-ci participent
à une séance de nourrissage des lémuriens
par exemple, ils sont touchés et se montrent
immédiatement plus réceptifs. C’est l’occasion de
véhiculer un message et de transmettre des valeurs
de respect de la nature. Notre objectif est de
faire comprendre la fragilité de notre écosystème
et l’importance de le préserver. Les animaux en
captivité sont en réalité des ambassadeurs. Leur
présence et souvent leur beauté suscitent l’envie de
les protéger. Il en va de même pour la culture, la
langue, les coutumes… Ici, dans notre « jardin du
monde », nous avons la chance et la responsabilité
de sensibiliser le public.
N. G. : C’est pour cela que vous vendez de vraies
dents de dinosaure plutôt que des reproductions ?
S. P. : Avoir entre les mains un objet authentique
qui a plusieurs milliers d’années est déjà quelque
chose d’incroyable. C’est une
invitation au voyage qui suscitera
peut-être des vocations de
chercheur ou de collectionneur.
La curiosité et l’imagination sont
parmi les plus belles qualités
humaines qui soient.
FIG. 11 (CI-DESSUS) :
Ensemble de crânes
témoignant de la fascination
du collectionneur pour ce
motif. De gauche à droite :
Vili, Gabon XIXe siècle ;
Mixtèque, Mexique, 1300 -
1521 apr. J.-C. Sepik, PNG,
1930.