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gouvernements ne démontrent pas que le marché
illégal de l’art (en ligne) est fl orissant et submergé
d’objets d’art originaires de Syrie ou d’Irak …. »
Si ces réglementations européennes sont mises en
oeuvre, elles pourront potentiellement étendre les
restrictions à l’importation d’objets ayant moins de
deux cent cinquante ans, puisqu’elles stipulent que la
limite d’âge peut être modifi ée. Comme l’indique le
rapport demandé par la police néerlandaise, la législation
visant les antiquités semble disproportionnée,
un peu comme « tirer sur des moineaux à coups de
canon ».
1. Pour la défi nition de « bien culturel », voir l’article 1 de la
convention de l’UNESCO de 1970, et notamment le
commentaire de Me Yves-Bernard Debie sur la
double condition cumulative qu’il prévoit, dans
Tribal Art magazine n°77.
propriées, notamment des certifi cats d’exportation
délivrés par le pays tiers d’exportation, des titres de
propriété, des factures, des contrats de vente, des documents
d’assurance, des documents de transport et
des expertises » (point 10). Un permis délivré par le
pays d’exportation peut s’avérer suffi sant si le pays
en question a signé la Convention de l’UNESCO de
19701. Si ce n’est pas le cas, l’importateur doit alors
démontrer que le bien culturel a été importé en toute
légalité depuis le pays source.
D’autres types d’objets considérés comme des
« biens culturels » devront être tracés lors de l’importation
au moyen d’un document de type « Object
ID », une norme internationale de description d’objets
culturels, et d’une photo. Le règlement pourra
exiger de l’importateur qu’il présente aux services
douaniers une déclaration écrite sous serment certifi
ant que les biens ont été exportés légalement depuis
le pays source. Malheureusement, en ce qui concerne
la plupart des objets en circulation, l’importateur n’a
bien souvent aucun moyen de savoir si c’est vrai.
Le Commissaire européen Pierre Moscovici a
repris en choeur le refrain des hommes politiques
qui clament que de nouvelles réglementations sont
nécessaires, car selon eux, le commerce illicite d’antiquités,
qui pèse plusieurs milliards d’euros, « contribue
directement au fi nancement de l’État islamique
en Irak et en Syrie, mais également aux attaques terroristes
sur le sol européen ».
Un rapport commandé par la police nationale des
Pays-Bas (unité centrale d’investigation, unité des
crimes de guerre), Propriété culturelle, crimes de
guerre et État islamique, écarte ces arguments :
« Ces affi rmations ne sont nullement étayées par
les rapports gouvernementaux disponibles …. Les
autorités douanières n’ont pas fait état d’un affl ux
croissant de biens culturels illicites à leurs frontières.
Les forces de l’ordre n’ont signalé aucune augmentation
des arrestations de trafi quants d’art ni des
saisies de biens culturels illicites en provenance de
Syrie ou d’Irak. Les documents et les études des
*
Interrogé par ce magazine, Maître Yves-Bernard Debie, avocat
spécialisé en droit du commerce de l’art et des biens culturels,
rappelle qu’il milite depuis des années pour la création d’une
Antique Tribal Art Dealers Association européenne qui réunirait
marchands et collectionneurs européens d’art premier. Un projet
devenu nécessité, selon lui, en raison d’une infl ation législative
et jurisprudentielle qui tend à restreindre le commerce, mais
aussi la simple détention ou même la conservation muséale des
oeuvres d’art issues des cultures non-européennes.