BANGWA
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était selon toute vraisemblance lié aux soulèvements
qui avaient éclaté le long de la frontière de la
région du fl euve Cross, ceux-là mêmes qui avaient
coûté la vie au lieutenant von Queis64. La détention
de Conrau, justifi ée par l’inquiétude légitime des
Bangwa concernant les hommes que Conrau avait
emmenés dans les plantations, déclencha colère et
indignation dans les rangs allemands. Il s’agissait
d’une « révolte en gestation menaçant directement
le christianisme et la nation allemande »65, selon les
termes d’un journal colonial allemand, publié par la
Deutsche Kolonialgesellschaft, la Société coloniale
d’Allemagne. Une expédition punitive montée par
les forces armées allemandes au Cameroun, qui se
composaient essentiellement de troupes africaines
sous le commandement d’offi ciers allemands, arriva
le 25 février 1900 dans la région banyang de Tali,
là où Conrau avait entamé sa route vers les hauts
plateaux bangwa en décembre 189866.
La plupart des villages banyang traversés par les
troupes allemandes avaient été abandonnés. À l’approche
de Lebang, les soldats découvrirent des barricades
en bois de trois mètres de haut qui bloquaient
les traversées des rivières et les voies fl uviales. Le relief
devenait brusquement escarpé, passant de 400 à 700
mètres, et les soldats essuyaient des tirs en permanence
et se faisaient bombarder de pierres à mesure de
leur progression. Ils pénétrèrent dans Azi trois jours
plus tard, mais tous les habitants avaient fui. Cette
première expédition punitive fut de retour à Tali le
4 mars 1900. Cinq jours plus tard, le 9 mars, Assunganyi
envoya, de sa propre initiative, un messager
bali nommé Nanji, qui avait autrefois travaillé pour
Zintgraff puis pour Conrau, afi n d’informer les Allemands
qu’il souhaitait la paix et était prêt à accepter
toutes leurs exigences. Son message était accompagné
d’une touffe de feuilles sur lesquelles on avait craché
des noix de kola mâchées, en signe de paix67. Le messager
bali fut renvoyé à Azi le lendemain, et revint
une deuxième fois, le 15 mars, avec une défense d’éléphant
d’environ quinze kilos et plusieurs moutons68. Il
fut de nouveau renvoyé à Azi, mais disparut cette fois,
ce qui suscita de nombreux malentendus. Une autre
offre de paix fut présentée et est mentionnée dans les
rapports coloniaux datés du 17 octobre 1900. Dans le
cadre de cette offre, Assunganyi fi t parvenir aux Allemands
quelques effets personnels de Conrau, « un sac
de chasse contenant des boussoles, un pistolet Mauser,
... des munitions et une lanterne cassée »69, afi n
d’exprimer sa bonne volonté. Cependant, Assunganyi
refusa fi nalement de se plier aux exigences des Allemands,
qui menèrent dès lors d’autres expéditions
punitives pour contraindre les Bangwa à se soumettre.
Des négociations de paix défi nitive n’auront pas
lieu avant 1903. Assunganyi, le chef suprême, fut
destitué, la région lebang fut scindée en deux, et
deux nouveaux chefs furent nommés. Le poste de
Tinto fut déplacé dans le village désormais baptisé
d’un nom allemand, « Fontemdorf ». Assunganyi entra
dans la clandestinité et laissa entendre qu’il avait
été tué au combat70.
À la fi n du rapport colonial allemand relatif aux
événements survenus dans la région bangwa et au
FIG. 26 (PAGE DE GAUCHE,
À DROITE) : Azi (Fontem).
Vers 1901.
Extrait de Kurt Strümpell, Blätter aus
der Geschichte der Schutztruppe
für Kamerun, Carl Pfeffer Verlag,
Heidelberg, 1921, p. 38.
FIG. 27 (CI-DESSUS) :
Fontem Assunganyi, fon de
Lebang. Avant 1951.
Photographe inconnu.
Extrait de Robert Brain et Adam
Pollock, Bangwa Funerary Sculpture,
University of Toronto Press, 1971,
fi g. 3.