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FIG. 7 (PAGE PRÉCÉDENTE,
À GAUCHE) : Figure
kavakava. Rapa Nui, Chili.
Bois.
Don de William L. R. Gifford, 1895.
© President and Fellows of Harvard
College, Peabody Museum of
Archaeology and Etymology,
PM# 95-2-70147751.
FIG. 8 (PAGE PRÉCÉDENTE,
À DROITE) : Figure
kavakava. Rapa Nui, Chili.
Bois.
Vente du 24 mars 2010, lot 12,
Collection Rosenthal, Sotheby’s Paris.
© Sotheby’s / Art Digital Studio.
FIG. 9 (CI-CONTRE) : Figure
kavakava. Rapa Nui, Chili.
Bois.
Vente du 30 septembre 2002, lot 31,
Sotheby’s Paris
© Sotheby’s / Art Digital Studio.
MOAI KAVAKAVA
le territoire des Miru, tribu de la dynastie régnante
fondée par le roi Hotu Matua. Dans l’île de Pâques,
ce sont les seuls indices qui associent un animal
mythique, un lieu et un groupe humain. Ce que ne
permettent pas les statuettes en bois, dont on ne
sait presque rien et dont la localité d’origine restera
à jamais inconnue : l’une d’elles est un poulpe
sculpté avec une précision digne d’un naturaliste
(Vienne, Museum für Volkerkunde, n°22.868). Par
ailleurs, le glyphe représentant l’octopode orne le
crâne d’au moins quatorze statuettes : un hommelézard,
quatre papa, deux tangata et sept kavakava
(fig. 8 et 9). L’image conventionnelle de cet animal
mythique, avec ses gros yeux parfois pédonculés
et une denture humaine, traverse tous les styles de
sculpture. Sur le crâne de l’étrange kavakava archétypique
de David Attenborough, l’abdomen d’un
des plus anciens glyphes représentant un poulpe repose
sur la nuque de la statuette, alors qu’il couvre
le front de toutes les autres.
Épilogue
Le cliché de Susan Hoare met en scène le « kavakava
d’Azy » au sommet d’une pyramide de Pascuans
que couronne un long ao à doubles pales, suprême
insigne de l’autorité des aristocrates. Ces objets sacrés
sont aux mains de jeunes hommes solidement
érigés, qui nous fixent fièrement pour l’éternité. À
la base de la pyramide, à droite, deux femmes, leur
enfant dans les bras annoncent que l’histoire des
Pascuans ne se termine pas là. Voyant ce tableau,
comment croire que ces déracinés, à quatre mille
kilomètres de leur île, sont les rares représentants
d›un peuple qui, franchissant l’océan, dressa près
de mille statues géantes sur les rivages d›une terre
minuscule ? Les objets qu’ils brandissent ou qu›ils
portent n’ont désormais plus de pouvoirs, comme
en attestent les prêtres catholiques associés à la
scène. Désormais, ni le coeur ni l’esprit ne guideront
la main d’un sculpteur pascuan pour révéler la
part de divin que certains bois recèlent.
Merci à la Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie,
Rome, ainsi qu’à Michel Chambaud.
NOTES
1. Eyraud Eugène, 1865. Lettres des missionnaires, congrégation
SS.CC, pp. 168-208.
2. Kaeppler Adrienne, 2003. “ Sculptures of barckcloth and
wood from Rapa Nui ”, RES nº44, pp.10-69.
3. Oldman W. O., 2004. The Oldman collection of Polynesian
artifacts. Nouvelle édition du Polynesian Society
Memoir nº15, University of Hawaii Press.