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Ces nouvelles recherches tombent à point nommé
étant donné que, depuis plusieurs années en Allemagne,
les cartes de l’histoire – l’Erinnerungskultur,
ou « culture de la mémoire » – ont été redistribuées, et
que l’histoire du colonialisme a attiré l’attention d’un
public plus large. Ce phénomène s’explique probablement
par la hausse de l’immigration que connaît
actuellement le pays, ayant entraîné le développement
de plusieurs projets relatifs à l’histoire coloniale6,
mais également à l’histoire de l’immigration et
du racisme7. En outre, le déménagement du Museum
für Völkerkunde vers le Humboldt Forum a soulevé
des questions quant à « l’appropriation » des objets
et aux circonstances dans lesquelles ils ont pénétré
dans la conscience d’un public auquel ils n’étaient pas
destinés à l’origine. Chaque période a considéré les
objets collectés en Afrique de différentes manières,
et c’est particulièrement vrai concernant ceux de
Conrau, qui doivent être envisagés dans le contexte
de la compétition que se livraient les musées européens
à l’époque où l’agent colonial allemand était
à l’oeuvre sur le terrain. Les musées se disputaient les
plus belles pièces, les plus représentatives des cultures
colonisées, dont ils pensaient qu’elles étaient vouées
à disparaître. le fruit de mes recherches me conduit à
penser qu’une meilleure compréhension des circonstances
entourant l’arrivée de ces oeuvres en Europe
peut contribuer à une meilleure appréhension de leur
spécifi cité et marquer leur destinée.
LES PREMIÈRES ANNÉES AU CAMEROUN
C’est en septembre 1890 que Conrau est arrivé au
Cameroun, une colonie allemande depuis 1884. Il a
vingt-cinq ans et travaille pour l’entreprise de Hambourg
Jantzen & Thormählen. Associé à l’explorateur
Eugen Zintgraff (fi g. 15), il a accompagné ce dernier