DOSSIER
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Jusqu’à la fi n du XXe siècle, l’objectif à long terme
du gouvernement allemand pour le « protectorat camerounais
» avait consisté à établir une liaison sûre
entre la côte et les populations de l’arrière-pays du
Grassland. Conrau énonce clairement cet objectif :
« Étant donné que l’avenir de notre colonie réside
essentiellement dans le développement de plantations,
et parce que le manque d’ouvriers représente un problème
de plus en plus urgent, nous devons nous efforcer
d’abolir les frontières établies par les populations
côtières, qui dans l’ensemble se montrent peu intéressées
par le travail, et de nous procurer de la maind’oeuvre
issue de l’intérieur du pays. Je crois également
que le commerce se porterait mieux si les peuples de
l’arrière-pays pouvaient accéder au littoral et avaient
la possibilité d’y vendre leurs produits. Vu l’animosité
et les divisions qui règnent entre les différentes populations
de la côte, les marchandises arrivent actuellement
au compte-gouttes. Si plus de personnes de
l’arrière-pays venaient travailler sur la côte, et investissaient
leurs salaires dans la production de biens sur
leur propre territoire, comme le font les Bani un autre
terme pour Bali, le commerce augmenterait considérablement.
Toutefois, ceci ne s’appliquerait qu’à
l’ivoire d’éléphant et au caoutchouc, puisque l’huile de
palme et les noix de palme ne peuvent pas être transportées
sur de longues distances. Peut-être qu’un jour,
une voie ferrée reliera la côte à l’intérieur des terres.
Les fl euves ne sont malheureusement navigables qu’à
proximité directe de la côte »24.
RETOUR EN ALLEMAGNE
À l’âge de trente-deux ans, Conrau s’accorda un
répit et rentra en Allemagne du printemps jusqu’à
la mi-août 189825. L’une de ses lettres à Hassert suggère
que les deux hommes se sont rencontrés, peutêtre
à Tübingen, au cours de ce séjour. Conrau fut
également invité par Ferdinand Wohltmann26, un
spécialiste de l’agriculture tropicale, qui avait travaillé
comme conseiller auprès des fondateurs de la
WAPV, parmi lesquels Zintgraff27. Bien que l’on en
ignore les détails, Conrau rencontra probablement
également Felix von Luschan, alors conservateur au
Königliches Museum für Völkerkunde à Berlin, qui
le chargea de collecter des objets ethnographiques28.
Il convient de noter que le travail de chercheur de
Conrau en Afrique poursuivait toujours des objectifs
précis. Ainsi est-il l’auteur de plusieurs récits sur le
mode de vie des habitants de l’arrière-pays camerounais.
Il envoyait aussi des croquis de cartes de ses
voyages à une revue appelée Mittheilungen aus den
deutschen Schutzgebieten (Actualités des colonies
FIG. 7 (CI-DESSUS) :
Man Ray (1890-1976),
Statue d’Helena « La Reine
Bangwa ». 1937.
© Man Ray Trust - SABAM Belgique
2017.
FIG. 8 (PAGE DE DROITE) :
Walker Evans (1903-1975),
African Sculpture, 1935.
Tirage argentique. 23 x 10,2 cm.
© Walker Evans Archive, The
Metropolitan Museum of Art.
vu que l’ivoire constituait sa principale source de
revenus, ajoutant ne pas savoir quand il aurait les
moyens de rentrer en Allemagne22. Dans une lettre à
Felix von Luschan (fi g. 21) écrite en 1898, Conrau
indique devoir désormais tout fi nancer lui-même et
confi rme que ses revenus proviennent de son activité
de chasseur à l’éléphant23. Dans son récit de voyage
Im Lande der Bangwa (Au pays des Bangwa), publié
en 1899, Conrau évoque ses fusils, mais pas la chasse
à l’éléphant. Ce récit laisse penser qu’il travaille pour
une compagnie de plantation.