PORTFOLIO
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FIG. 3 (À GAUCHE) :
Gottfried Lindauer, Heeni
Hirini Heeni Hirini avec
enfant (ancien titre : Ana
Rupene avec enfant), 1878.
Huile sur toile. 81,4 x 69 cm.
Auckland Art Gallery Toi o Tamaki,
don de M. H. E. Partridge, 1915, inv.
1915/2/1.
FIG. 4 (CI-DESSUS) :
Portrait d’Ana Rupene avec
enfant par Foy Brothers,
Thames, Nouvelle-Zélande,
vers 1871-1878.
Carte de visite, tirage à l’albumine.
9 x 5,7 cm.
Bibliothèque Alexander Turnbull,
Wellington. Nouvelle-Zélande, call
PAColl-9876.
un commentaire datant de 1905 de l’éminent écrivain
tchèque et grand voyageur Joseph Korensky :
« Dites le nom Lindauer, et chaque chef maori inclinera
la tête. ... Lorsque vous assistez à un enterrement
et que vous visitez la maison d’un chef, que
voyez-vous au-dessus du cadavre exposé ? Vous
verrez une peinture, qui est à la vraie ressemblance
du chef. Et qui fut le créateur de l’oeuvre ? ... Vous
reconnaîtrez la signature de l’artiste ... Lindauer. »
Au moment de leur création, les portraits de
Lindauer étaient mis en évidence dans des maisons
privées et des marae (maisons de réunion) et
lors des tangihanga (funérailles), pratiques qui se
poursuivent aujourd’hui pour les descendants de
la personne portraiturée. Dans la culture Maorie
les images, considérées comme de puissantes incarnations
d’ancêtres contenant le mana (prestige et
autorité) des personnes représentées, sont vénérées,
qu’il s’agisse d’une sculpture, d’une peinture ou
d’une photographie. Les toiles de Lindauer immortalisent
les ancêtres de la même manière que les personnages
en bois des maisons de réunion pendant
des siècles, et les photographies dans des temps plus
récents. Ils font partie d’un continuum de représentation
et d’hommage rendu aux ancêtres.
Lindauer a révolutionné le portrait peint en Nouvelle
Zélande en fondant plusieurs de ses représentations
de Maoris (vivants et défunts) sur des
photographies de studio. Le développement de
la photographie au cours des années 1870 rendit
les portraits de studio plus abordables, et un important
marché se développa autour des images
photographiques de Maoris comme souvenirs
touristiques. De tels portraits circulèrent également
dans le monde, s’inscrivant dans un marché
dernier exécuta le portrait de Patuone, un chef vénérable,
intransigeant et sage, paré principalement
de vêtements comprenant deux plumes de huia à
pointe blanche, un manteau, et un taiaha. Lindauer
peindra également le frère cadet de Patuone, Tamati
Waka Nene, des années plus tard en 1890 (fi g. 12).
Quand Lindauer arriva en Nouvelle-Zélande,
l’immigration européenne était à son apogée. La
population maorie était en déclin en raison de maladies
et d’un faible taux de fécondité, et certains
observateurs crurent à tort que les Maoris pourraient
disparaître. En épousant ce point de vue, Partridge
chercha à enregistrer les fi gures historiques et
des aspects uniques de la vie maorie. Il commanda
plus de soixante-dix portraits et dix représentations
à grande échelle de la vie et des coutumes maories
au cours des quarante-trois années de relations avec
Lindauer et sa famille. En 1901, Partridge créa la
Lindauer Gallery Art au-dessus de sa société, et
l’ouvrit au public. Parmi les centaines de personnes
qui visitèrent la galerie, nombreux sont ceux qui
laissèrent des commentaires dans son livre d’or. Partridge
fi t don de sa collection de plus de soixantedix
tableaux de Lindauer à la ville d’Auckland en
1915. Ils sont maintenant détenus par la Auckland
Art Gallery Toi o Tamaki.
L’ami de Lindauer et photographe basé à Napier,
Samuel Carnell (fi g.1), présenta Lindauer à Walter
Buller, ornithologue et avocat à la Cour, défenseur
des terres indigènes, qui promut le travail de
Lindauer via des contacts personnels, son réseau
de clients et de connaissances maories et pakehas
(européennes). Comme Partridge, Buller était d’avis
que les plantes indigènes, les oiseaux et les habitants
de la Nouvelle-Zélande seraient inévitablement
modifi és par les immigrants européens. Les Maoris,
pensait-il, « sont en train de périr et rien ne peut les
sauver. Notre devoir, en bons colons compatissants,
est d’adoucir leur oreiller de mourants »1. À la fi n
du XIXe siècle, la population maorie avait chuté
de quarante pour cent depuis l’arrivée des Européens.
Tandis que la population maorie déclinait,
l’immigration européenne passait de deux mille
personnes avant 1839 à vingt-huit mille Européens
en 18522. Cependant, malgré ce contexte colonial
tendu, les Maoris rangatira (hommes et femmes
d’estime) commandèrent également des portraits
peints d’eux-mêmes et des membres de leur famille.
L’importance précoce de Lindauer en tant que portraitiste
de la population maorie est soulignée par