BANGWA
peu après qu’un interprète eût confi é à Conrau
qu’Assunganyi souhaitait que l’explorateur organisât
la mise en place d’un avant-poste à Azi.
Si le récit de Conrau relatant sa première visite dans
le royaume de Lebang et paru dans Im Lande der
Bangwa est dans l’ensemble positif, la dernière lettre
de Conrau à von Luschan, datée du 1er octobre 1899
et envoyée depuis Victoria sur la côte camerounaise,
traduit un point de vue sensiblement différent, à tel
point que l’on peut se demander si ce rapport n’a pas
été modifi é, voire enjolivé, par ses éditeurs. Dans cette
lettre à von Luschan, Conrau écrit :
« Les Bangwa ne forment pas un vaste groupe. Ils
n’ont pas de vrais villages et vivent disséminés dans
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FIG. 17 (EN BAS À
GAUCHE) : Gare de Barombi
en construction, 1888. Photo
d’Eugen Zintgraff.
Extrait de Rochus Schmidt,
Deutschlands Kolonien, vol. 2, Berlin :
Verlag des Vereins der Bücherfreunde
Schall & Grund, 1898.
FIG. 18 (EN BAS À DROITE) :
Baliburg. Photo d’Eugen
Zintgraff. Vers 1891.
Extrait de Rochus Schmidt,
Deutschlands Kolonien, vol. 2, Berlin :
Verlag des Vereins der Bücherfreunde
Schall & Grund, 1898.
des hameaux distincts dans les montagnes. Leur chef
le plus puissant et le plus redouté s’appelle Fontem. Il
est entouré presque exclusivement d’esclaves. C’est un
marchand d’esclaves de premier plan qui joue le rôle
d’intermédiaire dans le trafi c d’esclaves entre les tribus
du Nord et celles des régions forestières. Il vend ou tue
quiconque se met en travers de sa route, et affaiblit son
peuple de cette façon. C’est un homme impitoyable et
cupide, mais rusé et relativement intelligent.50 »
Accompagné de quinze hommes, Conrau partit vers
le nord de la région Banyang, où il avait vécu auparavant,
mais revint dans la vallée de Fontem dans les
hauts plateaux bangwa en janvier 1899. Il avait l’intention
« de trouver et d’ouvrir un chemin pour que
ses amis rejoignent la côte en passant par la région
réputée dangereuse de Kabo »51. C’est, du moins, de
cette manière que son projet visant à faire venir sur la
côte des travailleurs recrutés chez Assunganyi sera décrit
dans la publication coloniale offi cielle Mittheilungen
von Forschungsreisenden und Gelehrten aus den
les doubles cloches, les lampes et les armes, étaient
produits par les Bangwa eux-mêmes.
Lors de cette première rencontre, Conrau demanda
au chef s’il « était d’accord d’envoyer quelquesuns
de ses hommes à la côte pour y travailler »46 et
Assunganyi accepta immédiatement. Conrau lui dit
qu’il espérait qu’ils deviendraient amis. Le chef lui
tendit la main. Si Assunganyi ignorait peut-être les
ramifi cations et les conséquences de sa décision – il
a d’ailleurs fi nalement changé d’avis – l’on peut supposer
que le jeune chef avait accédé à la demande de
Conrau parce qu’il pensait que pareille association
lui vaudrait une position commerciale dominante et
lui conférerait un avantage sur les Banyang.
Le même jour, Conrau et ses compagnons de
voyage, dont des Bali et des Bafo47, se virent proposer
de la nourriture et du vin de palme, qu’ils partagèrent
jusqu’à ce qu’ils soient « gagnés par la fatigue
». Quand Assunganyi se retira à la tombée du
soir, les gens qui étaient assis tout autour se dispersèrent
rapidement. Même s’ils cherchaient constamment
à se trouver près de leur chef, ils le craignaient
également. « Quiconque s’adressait au chef parlait
dans le creux de ses propres mains, afi n d’éviter que
sa sainteté ne sente le souffl e de son haleine », écrivit
Conrau dans son rapport48.
Le lendemain matin, Assunganyi se rendit dans
les quartiers de Conrau et manifesta son intérêt
pour les fusils à culasse de l’Allemand. Ensemble, ils
burent un mélange de gouttes de leur sang et d’eau
pour sceller leurs accords et établir un lien permanent.
Conrau souhaita ensuite voir la forge et les
autres « merveilles » du chef. Celui-ci l’emmena dans
plusieurs huttes et cours, qui regorgeaient de « fétiches
» intéressants49. Le chef vint à nouveau rendre
visite à Conrau dans la soirée du 14 décembre 1898,