63
FIG.4 (EN BAS À DROITE) :
Statue ti’i. Îles de la Société,
Polynésie française. XIXe siècle.
Lave porphyrique vacuolaire.
Musées royaux d’Art et d’Histoire,
ET. 35.5.49.
engendra de nombreuses acculturations entre tous
les partenaires en présence ; par ailleurs, si l’Australie
connut assez rapidement un isolat, les côtes
papoues et les îles Salomon restèrent intégrées à
des réseaux d’échanges qui marquent l’ensemble de
l’Océanie Lointaine. On en revient aux voyages qui
permirent à l’humanité de conquérir le Pacifi que,
puis d’entretenir le partage d’identités culturelles,
malgré l’extrême dispersion des terres habitables.
Nos connaissances sur l’Océanie traditionnelle
sont entachées de plusieurs biais dus aux circonstances
des découvertes par le monde extérieur. Il en
va d’abord de l’exploration tardive du Cinquième
Continent par l’Europe. La première traversée
du Pacifi que par une caravelle remonte à 1520
(Fernand de Magellan) et plusieurs voyages eurent
lieu plus tard au XVIe et au cours du siècle suivant.
Mais les vraies explorations européennes
ne débutèrent vraiment que dans la seconde moitié
du XVIIIe siècle. À cette époque, les voyageurs
FIG. 1 (CI-CONTRE) : Tapa.
Viti Levu, îles Fidji.
Écorce battue.
Musées royaux d’Art et d’Histoire,
ET. 38.15.51.
FIG. 2 (PAGE DE GAUCHE) :
Statue du dieu des pêcheurs
de thon Pou Hakanononga.
Ahu o Rongo, Hanga Roa,
Rapa Nui, Chili. XIVe siècle.
Basalte.
Musées royaux d’Art et d’Histoire,
ET. 35.5.340.
FIG. 3 (À DROITE) :
Figurine po’o. Îles Marquises,
Polynésie française. XIXe
siècle.
Os et cheveux humains.
Musées royaux d’Art et d’Histoire,
ET. 50.60.
soixante mille et trente mille ans avant notre ère par
une humanité anatomiquement moderne, alors que
l’Europe était toujours aux mains de néandertaliens.
Plus loin vers le nord et vers l’est, on évoque désormais
une « Océanie Lointaine » (Remote Oceania),
peuplée beaucoup plus tardivement, entre le quatrième
millénaire avant notre ère et l’an mil de notre
ère, et plus distante des sources migratoires.
Outre la différence chronologique des colonisations
de ces deux ensembles, on notera que les
Océaniens Lointains dominaient la navigation au
long cours, ce qui était loin d’être le cas des Australiens
ou des Papous. Par contre, en Nouvelle-
Guinée ou dans les îles Salomon, les masques formaient
une valeur essentielle, dont on n’a aucune
trace en Océanie Lointaine, où ce sont les architectures
cultuelles qui connurent un grand développement.
Autrement dit, on voit que nombre
d’éléments opposent ces deux univers, qui ne partagent
ni la même ampleur chronologique – plus de
cinquante mille ans d’histoire d’un côté cinq mille
ans de l’autre –, ni les mêmes traditions culturelles,
ni les mêmes familles linguistiques. L’Océanie
Proche est une collection de langues orphelines ;
l’Océanie Lointaine est dominée par la grande famille
linguistique austronésienne. Pourtant des liens
existent entre les deux « Océanies ». La Lointaine
ne put être atteinte qu’au départ de la Proche, ce qui