
Charles Ratton,
Louis Carré,
1931
94
FIG. 1 (EN HAUT À GAUCHE) :
Charles Ratton. Vers 1935.
Photo : studio Harcourt, Paris.
FIG. 2 (À GAUCHE) : Louis
Carré. Vers 1930.
Photographe inconnu.
FIG. 3 (CI-DESSUS) : André
Breton. Vers 1924.
Photographe inconnu.
FIG. 4 (CI-DESSOUS) : Dora
Maar (1907-1997), portrait de
Paul Éluard. Vers 1933-1934.
Collection privée.
© Succession de Dora Maar.
Pour le poète surréaliste Paul Éluard, l’année
1931 commence mal. Sa séparation douloureuse
avec son épouse et grand amour, Gala, évolue peu
à peu vers un divorce inéluctable, tandis que cette
dernière et son nouvel amant, Salvador Dalí, passent
de plus en plus de temps ensemble, en Espagne. Pour
ne rien arranger, le marché de l’art subit de plein
fouet les effets de la Grande Dépression. Durant la
fi n des années 1920, Éluard (FIG. 4) avait mis à profi t
ses connaissances en ce qu’il nommait l’art sauvage
pour bâtir une collection personnelle, tout en cherchant
à arrondir ses fi ns de mois1. Partout où il allait,
il écumait les magasins d’antiquités et autres marchés
aux puces en quête d’objets ethnographiques
qu’il pourrait éventuellement revendre avec un bénéfi
ce. Une technique astucieuse, qui cesse toutefois de
fonctionner dès février 1931. Dans une lettre à Gala,
qu’il aide fi nancièrement malgré sa décision de vivre
et les ventes
emblématiques
Par John Warne Monroe
de 1931
aux côtés de Dalí, Éluard se montre pessimiste quant
à l’avenir du commerce de l’art : « Personne ne veut
de quoi que ce soit, même pour rien. »
La proposition de son ami Charles Ratton (FIG. 1)
va toutefois lui laisser entrevoir une lueur d’espoir.
Le marchand d’art compte organiser une vente aux
enchères de sculptures africaines, océaniennes et amérindiennes
issues de la collection du poète et de celle
d’une autre fi gure du surréalisme, André Breton (FIG.
3). Éluard soumet l’idée à Breton, qui accepte volontiers.
Contrairement à Éluard, Breton ne peut compter
sur l’argent familial et sa situation fi nancière est
désastreuse : la crise économique des années 1930 a
en effet appauvri les mécènes qui l’ont soutenu durant
la décennie précédente. Début 1931, le fondateur du
mouvement surréaliste passe ses soirées dans l’obscurité,
faute de pouvoir payer ses factures d’électricité.
DOSSIER