ART ET LOI
ACTE II : LA VENTE
On aurait pu penser que ce beau geste aurait
permis de calmer les esprits, de vendre les trois
cents autres objets dans cette belle effervescence
joyeuse qui préside toujours aux enchères publiques.
144
C’était évidemment oublier que, pour
un militant, militer est une fi n en soi, surtout
pour une obscure association tellement heureuse
d’être sous les feux de la rampe.
À 14 heures, les portes de la salle s’ouvraient et
immédiatement venaient s’y engouffrer huit à dix
militants dont prenait la tête un Tartuffe, comme
on en connaît tant. Visiblement crispé, le commissaire
priseur n’eut d’autre choix que de lui donner
la parole dont il se servit pour débiter, un Kombo
(balai rituel) à la main, un discours voulu savant
et réprobateur, ponctué d’incantations à l’adresse
d’un fétiche – curieusement qualifi é par lui de
« totem » – et de chants apparemment rituels ;
le tout fi lmé et presque immédiatement posté sur
les réseaux sociaux. Le reste de la vente, qui par
ailleurs eut un franc succès, fut émaillé de tentatives
d’obstruction, auxquelles la police fi nit par
mettre un terme.
De nos jours, toute bonne comédie s’accompagne
d’une musique et la pièce qui se jouait à
Nantes le 23 mars dernier ne pouvait y échapper.
Allez savoir pourquoi, sauf évidemment
pour accentuer le caractère tragi-comique du discours,
les militants le conclurent en entonnant un
chant, dont les spectateurs présents dans la salle
ont bien dû s’imaginer qu’ils entendaient la voix
des ancêtres et des paroles prononcées en des
temps immémoriaux par ces peuples dont l’Art
était aujourd’hui vendu à l’encan. Pourtant, la
chansonnette poussée en langue Kikongo par ces
C’était évidemment oublier
que, pour un militant,
militer est une fi n en soi
FIG. 4 (EN HAUT, À
GAUCHE) : Ancienne récade
de grade en bois et métal.
Fon, Dahomey, Bénin.
Lot 23 de la vente ART TRIBAL de
Salorges Enchères du 23 mars 2019.
FIG. 5 (EN HAUT, À
DROITE) : Ancien sabre de
grade en bois et métal à la
lame en forme de cimeterre
enrichie d’un décor animalier.
Fon, Dahomey, Bénin.
Lot 31 de la vente ART TRIBAL de
Salorges Enchères du 23 mars 2019.
FIG. 6 (CI-DESSOUS) :
Ancienne récade de prestige
en bois et métal dont la
partie haute est sculptée d’un
lion attaquant un homme.
Fon, Dahomey, Bénin.
Lot 25 de la vente ART TRIBAL de
Salorges Enchères du 23 mars 2019.
militants à l’oeil grave n’était autre qu’un chant
religieux chrétien « Nzila Zulu » ou « le chemin
du ciel », issue donc d’une religion imposée
par le colonisateur et qui a longtemps rejeté
ces fétiches que notre Tartuffe entendait « réveiller
» par ces couplets pseudo-rituels, dont il
existe une version « funky » angolaise d’André
Paim (https://www.youtube.com/watch?v=-
pUItDxwqmE).
ACTE III : « AFTER-SALE »
Le lundi 25 mars 2019, les quelques objets qui
n’avaient pas trouvé preneur durant la vente
furent vendus en « after-sale » et il ne restait
plus qu’à contacter l’ambassade du Bénin qui,
via le ministère de la Culture, avait sollicité le
retrait des objets du Dahomey afi n de les acquérir,
ce qui fut fait dès le lendemain.
Et puis, me direz-vous ? Et puis, rien ! Rien
en tout cas à attendre de l’ambassade du Bénin
ou le ministère de la Culture. Ainsi, lorsque le
prix de vente, fi xé sur base des offres d’achat,
«
«
/watch?v=-