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S. D. : Effectivement, l’idée de questionnement est
centrale ! Cela est annoncé dans le sous-titre de
l’exposition, African Art as a Philosophy, qui est
une allusion directe à l’ouvrage de 2011 de l’intellectuel
sénégalais Souleymane Bachir Diagne. La
lecture de cet ouvrage a été une véritable révélation
pour moi. Elle m’a permis de comprendre
beaucoup de choses sur ce qui m’attirait dans l’art
et d’aller au-delà de mes intuitions pour parvenir
la quadrature du cercle entre esthétique, culture,
histoire, identité et philosophie.
Certains concepts nous ont servi d’inspiration,
à Kendell et à moi, pour construire le parcours
d’exposition. Nous avons été très sensibles, en
l’occurrence, à l’idée de présence et d’oeuvre vivante
– que l’on retrouve dans le mot du titre« incarnation
» – que Diagne évoque en reprenant le récit de
Malraux du malaise éprouvé par Picasso au musée
du Trocadéro face aux masques et aux sculptures
africaines que ce dernier découvre et perçoit
comme autant de formes habitées...
T. A. M. : Quand bien même IncarNations
s’adresse à tous les publics, son message doit
résonner particulièrement auprès des visiteurs africain
ou afro-descendants. Que souhaiteriez-vous
qu’ils retiennent de l’expérience ?
S. D. : L’une des questions centrales de l’exposition
reste celle de l’identité, qui fait surgir dans
le cas des visiteurs afro-descendants l’idée d’une
mémoire fantôme et nous confronte au besoin de
revoir cette histoire de l’Afrique encore nimbée du
hâle de notre passé colonial. Je pense qu’il nous
revient à tous, mais surtout à nous, qui sommes
les dépositaires de cette histoire, d’arriver à reconquérir
ce passé et à le faire ressurgir.
PAGE DE GAUCHE
FIG. 2 (EN HAUT) :
Vue d’une fi gure de pouvoir
songye (RDC) et de son
refl et projeté par un miroir.
FIG. 3 (AU MILIEU) :
À droite, posé devant
un miroir, se détache un
tabouret à caryatide songye,
RDC.
FIG. 4 (CI-CONTRE, À
GAUCHE) : Au premier plan,
How to Blow Up Two Heads
at Once, Yinka Shonibare,
2006.
FIG. 5 (EN HAUT À
DROITE) : Vue rapprochée
de la pièce décrite en fi g. 1.
FIG. 6 (À DROITE) : De
gauche à droite : Zanele
Muholi, Sibusiso, Cagliari,
Sardinia, 2015 ; masques
punu-lumbu, Gabon ; Aida
Muluneh, 99 Series, 2014.
FIG. 7 (EN BAS) : Devil
Heads de Barthelemy Toguo,
2010, jouxtant une fi gure
jukun, Nigeria.
IncarNations
à BOZAR, Bruxelles
Propos recueillis par Elena Martínez-Jacquet