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 Il est des traces pratiquement impossibles  
 Hallucinantes pierres  
 des Amazones 
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 à retrouver pour l’archéologue. Trop éphémères  
 et utilisant rarement des objets ; les pratiques  
 chamaniques sont de celles-là. Dans un milieu corrosif  
 comme l’Amazonie, en outre, on perd tout  
 espoir de toucher un jour cet aspect si particulier et  
 essentiel du monde amérindien passé. Quoique…  
 Deux pièces précolombiennes exceptionnelles  
 dormaient depuis plus d’un siècle dans les réserves  
 du musée Dobrée de Nantes (FIG. 1, 7 et 6). Ce sont de  
 petites statuettes de pierre, de prime abord anodines,  
 mais vraisemblablement autrefois utilisées pour l’inhalation  
 de poudre hallucinogène lors de rites chamaniques. 
  Parfois appelées « pierre des Amazones »  
 en hommage aux femmes-guerrières supposées de la  
 Par Stéphen Rostain 
 région, elles ont été exhumées des collections pour  
 être enfi n étudiées, puis devenir les objets phares de  
 l’exposition Précieux poisons d’Amazonie. 
 UNE AMAZONIE EN QUÊTE  
 D’EUPHORIE 
 La  consommation  de  narcotiques  est  banale  en  
 Amazonie car, sans jamais sombrer dans l’addiction, 
   les  Amérindiens  en  utilisent  fréquemment,  
 jusqu’à  développer  une  véritable  culture  de  
 l’ivresse  et  de  l’euphorie.  Grâce  à  l’état  second  
 produit par ces substances hallucinogènes, l’offi - 
 ciant  peut  se  transporter  allégoriquement  vers  
 un ailleurs à découvrir. Il les absorbe sous forme  
 liquide ou poudreuse. 
 La plus célèbre est l’ahuayasca, mot qui signifi e  
 la « vigne des morts » dans la langue amérindienne  
 quechua. C’est une boisson faite à partir de l’écorce  
 de lianes du genre Banisteriopsis. Elle est en général  
 préparée en infusion afi n d’être bue. Outre des nausées  
 et des vomissements, son ingestion provoque  
 des  transes  et  des  rêves  en couleurs, aussi est-elle  
 consommée pour la divination, la thérapie ou la  
 purifi cation. Depuis quelques années, ce breuvage  
 est devenu à la mode chez des touristes en mal de  
 FIG. 1 (CI-DESSUS) : Exceptionnelle statuette de  
 pierre précolombienne fi nement sculptée, considérée  
 comme tablette à inhaler des hallucinogènes.  
 Collection musée Dobrée n° 887-13-1, photo : Rostain. 
 FIG. 2 (CI-DESSUS) : Inhalateur en  
 os, broyeur et tablette en bois pour  
 la prise de poudre hallucinogène.  
 Piaroa, Haut-Orénoque, Vénézuela  
 Musée du quai Branly-Jacques Chirac,  
 n° 71.1954.10.44.1-3. 
 © RMN / mqB-JC.