
saire-priseur dut se résoudre à expliquer que
seul l’État français pouvait préempter, et après
adjudication encore, mais qu’en revanche, il
leur était aisé de venir à la vente et de se porter
acquéreurs de l’ensemble des lots en remportant
les enchères.
Hormis quelques allées et venues bruyantes de
représentants de ladite association exhortant les
amateurs à ne pas acheter ces « objets de sang »,
cette journée dédiée à l’exposition des oeuvres se
déroula sans encombre.
Le lendemain, c’est sur le coup de 12h30
qu’un appel émanant du ministère de la Culture
retentit ! Non pas, comme on a pu le lire dans la
presse, pour exiger le retrait des vingt-huit objets
du Dahomey, ou pour en interdire la vente – le
ministère n’a pas ce pouvoir – mais pour demander
si la maison de ventes et le propriétaire des
oeuvres accepteraient de les retirer afin qu’elles
puissent être achetées par le Bénin, qui prendrait
contact dès le lundi.
Soucieux d’éviter une mauvaise presse et tenant
par ailleurs en mains des offres fermes d’achat
données par le fameux collectif de marchandsmécènes,
le vendeur ne perdait rien en retirant les
objets de la vente qui se tenait l’après-midi même.
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Avant de poursuivre, faisons un petit peu de
droit et rappelons ici, comme nous l’avons déjà
fait à maintes reprises (voir notamment Tribal
Art Magazine nos 69 et 72, concernant les ventes
en 2013 de masques hopis), qu’aucune disposition
légale applicable en France, issue du droit
interne ou international, n’interdit la vente
d’oeuvres d’art premier, quand bien même s’avéreraient
elles avoir été collectées durant une campagne
militaire coloniale. Bref, la vente du 23
mars 2019 n’a pas été et n’aurait pu être annulée
en justice.
Pourtant, la presse, toujours friande de sensationnel,
relaiera les biens maigres propos de l’association
panafricaine et on se complaira à parler
« restitutions », « annulation de la vente », « interdiction
», « prises de guerre » ou « apologie
du colonialisme »…
Le 22 mars, veille de la vente, alors même
que le catalogue était en ligne depuis un mois,
la maison de ventes recevait un appel de l’ambassade
du Bénin à Paris qui souhaitait « préempter
» les vingt-huit objets provenant du
Dahomey. La mort dans l’âme, puisque par
nature une Maison de ventes veut vendre, et
un peu gêné d’avoir à le préciser, le commis-
FIG. 3 (CI-DESSUS) : Embout de
récade en bronze représentant une
tête de chien. Fon, Dahomey, Bénin.
Lot 24 de la vente ART TRIBAL de Salorges
Enchères du 23 mars 2019.
PAGE DE GAUCHE
FIG. 1 (EN HAUT) : Affiche
annonçant la première
représentation du Cid de
Corneille à Paris en 1637.
FIG. 2 (EN BAS) : Sculpture
d’art populaire en bois
bicolore représentant une
exécution. Fon, Dahomey,
Bénin.
Lot 35 de la vente ART TRIBAL de
Salorges Enchères du 23 mars 2019.
Malheureusement, c’était compter sans l’intervention
aussi inopinée, intempestive qu’inutile
d’une association panafricaine nantaise,
« Afrique-Loire », de l’Ambassade du Bénin et
du Ministère français de la Culture.
Trois jours avant la vente, c’est un message
laissé par un journaliste de Radio Bleue sur le
répondeur de l’expert qui annonçait la tragédie
ou la farce à venir : « J’aimerais recueillir l’avis
du Consultant de Salorges Enchères au sujet de
l’association Afrique-Loire qui souhaite faire
annuler la Vente ».
Aucune disposition légale applicable en
France ... n’interdit la vente d’oeuvres
d’art premier, quand bien même
s’avèreraient-elles avoir été collectées
durant une campagne militaire coloniale
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