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archives de Carré désormais disponibles au musée
du quai Branly-Jacques Chirac révèlent toutefois une
version quelque peu différente. Il n’y est fait mention
d’aucune garantie importante. En revanche, il existe
un contrat accordant à de Miré une avance de cent
vingt mille francs, à rembourser à Ratton et Carré
avec sept pour cent d’intérêt sur les recettes de la
vente35. Les deux experts ont cependant acheté cinquante
sept des cent soixante-six lots mis en vente
pour la somme de cent quarante-quatre mille huit
cent cinq francs, pour des recettes totales de deux
cent soixante-dix-sept mille quatre cent quatrevingt
cinq francs. Leurs achats comprenaient tous
les lots ayant atteint plus de dix mille francs, sauf
un : la célèbre fi gure masculine fang, le lot 46, de
loin l’oeuvre la plus chère de la vente, acquise par
Helena Rubinstein pour vingt-neuf mille trois cents
francs (FIG. 58)36. À la lumière de ces informations,
il semble plus probable que Ratton et Carré aient
agi en tant qu’acheteurs stratégiques, cherchant à la
fois à ajouter des objets majeurs à leur collection et à
faire grimper les recettes totales de la vente.
Quoi qu’il en soit, la vente en elle-même a été un
événement remarquable, que Jean Gallotti, présent ce
jour-là, a décrit dans un vibrant compte rendu pour
l’hebdomadaire illustré Vu. La foule dans la salle des
ventes, écrit-il, comprenait « la plupart des célébrités
du dadaïsme et du cubisme », parmi une « forêt de
spectateurs entassés sur des banquettes ou perchés
sur des cimaises ». Le budget publicitaire considérable
de Ratton et Carré, qui avait servi à payer des
annonces publiées dans de nombreux quotidiens et
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