DOSSIER
le nom du collectionneur au public. Un mois avant
la vente des objets ethnographiques de Rupalley, ses
pièces européennes et asiatiques avaient été mises aux
enchères. Les objets asiatiques, comme le rapporte un
journaliste de Paris-Soir, « ne différaient pas beaucoup
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de ceux que l’on voit dans de nombreuses collections
», mais ceux issus d’Europe ont davantage marqué
les esprits. Ils comprenaient « le squelette d’un
foetus, adjugé à huit francs, des lorgnons d’Incroyable
(trente-cinq francs), trois bâtons de policeman, un
biniou, une boussole, des plumiers, etc. ». Devant un
tel bric-à-brac, les spectateurs « se laissaient envahir
par une douce hilarité » et le journaliste lui-même ne
savait trop s’il fallait admirer ou déplorer la patience
de « celui qui, chaque matin, caressait d’un plumeau
diligent les cent quarante-neuf pièces de la collection
d’objets d’art européen »25. Lorsque la collection ethnographique
de Rupalley est mise aux enchères un
mois plus tard, le souvenir amer de la vente précédente
fl otte dans l’air, si bien que les objets proposés
« n’ont pas obtenu de prix bien importants »26.
L’échec de Flagel et Portier jette un éclairage révélateur
sur le succès de Ratton et Carré, qui dépendait
d’une compréhension visionnaire des manières
complexes dont les attributions de valeur allaient
s’effectuer dans le domaine de l’art ethnographique.
Selon les standards du marché, le nom de Rupalley
aurait dû avoir beaucoup plus de poids, du moins en
théorie : l’instituteur avait commencé à collectionner
des objets ethnographiques avant la Première Guerre
mondiale ; il avait fourni une réponse écrite et des objets
afi n d’illustrer le célèbre papier de Fénéon paru en
1920, Enquête sur les arts lointains, et avait prêté des