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« Nous paraissons si différents et pourtant nous sommes
tous si semblables. La magie du multiculturalisme est bien là ; elle nous invite
à rester ouverts et humbles, à percevoir toute la richesse de l’Autre et à changer
notre regard. » Cette réfl exion partagée dans son éditorial pour le catalogue
du Parcours des mondes par Kyveli Alexiou, jeune collectionneuse grecque qui
exercera la présidence d’honneur de la dix-huitième édition – que le temps passe
vite ! – de ce rendez-vous incontournable pour tous les acteurs du marché international
des arts extra-européens, fait particulièrement sens en 2019, année
marquée par des expositions comme Oceania, à la Royal Academy de Londres
puis au musée du quai Branly - Jacques Chirac ou Ex Africa au Museo Civico
Archeologico de Bologne, événement majeurs revendiquant la contribution fondamentale
des cultures anciennes d’Afrique et du Pacifi que à l’histoire de l’art
universel. Mais les mots sensibles d’Alexiou résonneront certainement avec plus
de force encore auprès des amateurs qui auront fait l’expérience d’une visite au
palais des Beaux-Arts de Bruxelles accueillant jusqu’au 6 octobre IncarNations, présentée dans les
pages qui suivent. Cet événement livrant une vision africaine de l’art du continent ne peut laisser
indifférent dans son invitation à interroge – et a fortiori à dépasser – les critères avec lesquels les arts
d’Afrique ont été appréhendés jusque-là.
Humilité et ouverture face à l’Autre s’imposent à nous qui oeuvrons à la parution trimestrielle de ce
magazine comme les valeurs ayant été à l’origine des plus grandes avancées dans le domaine qui nous
passionne. À ces qualités fondamentales pour faire progresser la pensée, il nous semble important
d’ajouter l’audace. Les acteurs du marché de l’art n’en manquent pas pour chercher à attirer l’attention
de nouveaux ambassadeurs du goût que sont les collectionneurs. Comme le montre John W. Monroe
dans son analyse méticuleusement documentée des grandes ventes aux enchères parisiennes de 1931,
c’est la détermination et la capacité de Charles Ratton à fuir des carcans et à pousser plus loin les
barrières intellectuelles et sociales de son époque qui auront été la clé du succès d’une série de ventes
emblématiques grâce auxquelles le goût pour les arts d’Afrique et d’Océanie a essaimé.
L’un des derniers à ne pas manquer d’audace est Lucas Ratton. Alors que nous amorcions la rédaction
de ces lignes, ce dernier nous faisait part d’une collaboration inédite avec la maison Saint Laurent,
consistant en une exposition alliant art africain, mode et design qui se tiendra à partir du 10 septembre
dans la nouvelle boutique Rive Droite portant le nom de ce roi de la Haute Couture et grand amateur
d’art. Il fallait oser sortir du cadre familier de la galerie ou du stand de salon prestigieux ; aussi souhaitons
nous que cette initiative remporte la faveur d’un large et nouveau public.
Elena Martínez-Jacquet
Éditorial
Notre couverture illustre un masque en
étoffe d’écorce. Baining, Nouvelle-Bretagne
photographié par Frederick Leslie-Kenett,
le sujet du notre PORTFOLIO.
Museum der Kulturen, Bâle.
Planche 19 de Carl A Schmitz, Oceanic Sculpture,
New York Graphic Society, 1962.