
en réalité inculqué leurs préférences artistiques, aux
proportions plus « classiques » et aux personnages
moins statiques.
Le même phénomène se produisait aussi au sein
des ateliers créés par les missions chrétiennes.
Arrachés à leurs traditions par la politique coloniale,
les sculpteurs congolais étaient paradoxalement
encouragés à s’y cantonner, au point qu’on leur
refusait de consulter des ouvrages sur l’art du reste
du monde. Doublement dépossédés de tout code
d’interprétation de leur nouvel environnement, un
monde désormais métissé, « entre deux chaises »,
la plupart ont sculpté des objets qui, oscillant
entre académisme et réminiscences traditionnelles,
semblent comme vidés de leur âme, privés du
dialogue intime qu’entretient nécessairement
l’artiste avec l’oeuvre qu’il réalise.
ries,” or “negro work.” The AAI denied that it
interfered with the artists’ creative process but, in
reality, it promoted its own artistic preferences—
more “classical” proportions, for example, and
less static stances for fi gures. The same phenomenon
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occurred within the workshops that were
founded by Christian missions.
Although the colonial regime removed Congolese
sculptors from their traditional environment,
paradoxically it also obligated them to limit their
work to these same traditions. They
were not even allowed to consult
books about art from the rest of the
world. As such, they were limited
in how they could interpret their
new surroundings—a hybrid environment
in which they were caught
between two worlds. The majority
of these artists ultimately produced
objects that fell somewhere between
academism and tradition and appear
both soulless and removed from the
intimate dialog through which an
artist interacts with his oeuvre.
FIG. 3 (EN BAS) : S cè ne de genre (enterrement). D ue à Mayele.
RD C. F in des années 1930. L. : 4 8 cm. Legs de la famille D aco.
Inscrite en 197 8 dans les collections du MRAC, EO.197 8.25.14.
Les oeuvres du sculpteur Mayele suscitèrent l’admiration des Amis de
l’Art Indigè ne en 19 39. Malgré l’h ab ileté manifeste de cet artiste, ses
compositions, avec le recul du temps, ressemblent étonnamment à ce
Tue l’on n’hpsite Slus aFtuellement à Tuali¿ er © d’art Sour touristes ª.
S on application à mettre en scè ne « la tradition », ses compositions
de multiples personnages en mouvement et aux proportions plutôt
occidentales étaient, aux dires des AAI, q ui commentent ses oeuvres,
un ch oix de l’artiste lui-mê me. Mais en fait, son style, « aux anatomies
si ¿ nes et si dplipes ª, rpSond Sarfaitement aux gots de ses
mécènes b lancs q ui pourtant prétendent « sauvegarder Mayele de
toute infl uenFe Fontraire au dpYeloSSement naturel de son art ª.
FIG. 4 (PAGE SUIVANTE, EN BAS) :
Ph oto de F uti D aniel. 194 8.
Arch ives ph otograph iq ues du MRAC, HP.1956.15.7 822.
O riginaire du village de Tsh ik ay, F uti D aniel fut formé à la sculpture
auprè s du Pè re sch eutiste N icolas V an den H oudt. I l réalisa un grand
nombre de b ustes académiques appréciés des acheteurs européens.
FIG. 4 (RIGHT): Ph oto of F uti D aniel, 194 8.
RMCA arch ives, HP.1956.15.7 822.
O riginally from th e village of Tsh ik ay, F uti D aniel was trained in
sculpture b y th e CICM missionary F r. N icolas V an den H oudt. H e
made a large number of b usts in an academic style, wh ich found
favor with E uropean b uyers.