
faire ? Ou plutôt qui allait officier ?
Selon les mots même de Luc de Heusch, « pour
la première fois dans l’histoire des grandes expositions
d’art africain, une solution originale fut
adoptée »8. Le musée invita dix experts belges
et internationaux à se joindre aux six membres
du comité interne de sélection afin d’effectuer ce
choix ultime9. Les résultats de l’ensemble de leurs
voix furent soumis à un ordinateur qui sélectionna
les deux cent cinquante oeuvres ayant rallié le plus
de voix.
Chose surprenante, il n’y eut que trois oeuvres
qui firent l’unanimité. L’une d’entre elles est évidemment
le grand masque luba devenu l’emblème
du musée. (fig. 2). Plus surprenant est le troisième
élu de ce palmarès : le grand masque yaka kakungu,
ou plus vraisemblablement kazeba,(fig. 5).
Et, à ce propos, il me revient que lors des multiples
visites guidées que j’effectuai de l’exposition,
ce masque était aussi celui qui était rejeté
pratiquement à l’unanimité par le grand public !
La plupart des visiteurs qui n’étaient pas familiarisés
avec l’art africain le trouvaient laid, effrayant,
voire inquiétant, et ne comprenaient pas qu’il se
trouva dans une exposition à caractère esthétique.
Il semble que la manière d’appréhender une oeuvre
peut parfois suivre des chemins tortueux et insoupçonnés.
Ce masque sublime est indubitablement
un chef-d’oeuvre. Mais lorsque qu’il effrayait les
visiteurs du musée, ces derniers réagissaient exactement
comme le sculpteur du masque avait voulu
que réagissent les jeunes novices au sein du camp
de circoncision, lorsque le personnage de Kakungu
faisait son apparition terrifiante10.
Épilogue
Pour ceux d’entre nous11 qui avaient suivi de près
toutes les étapes de cette sélection, il était manifeste
qu’elle était constituée de la quasi-totalité des
oeuvres choisies par Louis De Vries dès le début
du processus. Et ceux qui rédigèrent le colophon,
les remerciements et la préface se montrèrent fort
ingrats envers lui, en ne lui concédant que la seule
paternité d’avoir eu l’idée de cette exposition. Je
voulais donc ici lui rendre justice.
En somme, cette histoire est celle d’universitaires,
excellents chercheurs et, pour certains, experts indéniables,
qui ont pensé en toute bonne foi qu’un
non-scientifique, assisté de conservateurs encore
débutants (nous), ne pouvait assumer cette sélec-