95 degrés vers la gauche. L’analyse scanner confirme qu’il s’agit de la tête d’origine, mais elle indique également – par l’absence de toute cassure au niveau du cou – qu’elle est restée à l'emplacement qui lui était dévolu. Nous verrons plus bas ce qui a éventuellement pu justifier le choix délibéré de l’artiste d’amener le menton de son modèle au-delà de la ligne qui joint les deux épaules, dans ce cas précis, mais nous devons noter, à ce stade, qu’au sein du corpus des statues du DIN cette hyper-rotation du cou n’est pas inédite. En témoigne la « maternité morbide Djenné » en figure 7, représentant en effet une mère agenouillée, atteinte, comme son enfant, d’une affection pustuleuse. Non seulement elle tourne (détourne ?) la tête vers l’arrière, mais elle a également l'avant-bras droit dans le dos, montrant à l’évidence qu’il n’a plus d’utilité pour apporter le moindre signe d’affection et de support à l’enfant hypotonique, vraisemblablement décédé, qui gît sur ses genoux. Sous la tête de la pièce du mqB, on découvre un « thorax en carène » (pectus carinatum) qui correspond à une déformation de la paroi thoracique antérieure liée à une protrusion du sternum. Cette difformité, ici soulignée par plusieurs incisions périphériques concentriques en forme de fuseau, fait généralement suite à un trouble de la fusion des cartilages chondro-costaux au cours de l’enfance et correspond à une malformation communément appelée « thorax en bréchet de pigeon » (fig. 9). La représentation de cette avancée sternale est également observable sur deux autres exemples issus du corpus des terres cuites du DIN que nous avons analysé. Le premier est une statue de femme agenouillée au crâne recouvert de serpents (fig. 10). Trois vues opaques issues de l’étude scanner sont proposées en figure 11. Outre la protrusion sternale mise en évidence par deux incisions concentriques en forme de fuseau, cette oeuvre affiche plusieurs caractéristiques qu’elle partage avec celle du mqB, à savoir : la tête tournée à gauche, des larmes serpentiformes, des sillons naso-géniens incisés, une bouche semi-ouverte, un anneau serpentiforme autour du cou, une bosse dorsale ellipsoïdale alignée sur le haut de la colonne vertébrale, des seins apparemment jeunes, un décor corporel constitué de serpents et un bon statut pondéral. Le deuxième est un buste féminin du High Museum of Art d’Atlanta (fig. 12 et 13) dont la tête manque, mais qui présente, par ailleurs, les mêmes propriétés que l’oeuvre précédente. SOGOLON TELLE QUE CHANTÉE PAR LES GRIOTS Dans la version mythique propagée par la tradition orale commune aux groupes de l’aire mande, la vie du fondateur de l’empire du Mali28 (XIIIe-XVIIe s.), Soundjata Keita29, est jalonnée d’épisodes qui relèvent du merveilleux. Il est transformé en héros légendaire suivant un processus bien connu dans le genre littéraire qu’est l’épopée. Des chercheurs s’interrogent encore sur l’existence réelle de ce guerrier et homme politique éminent30. Certaines sources arabes31, rares cependant, tendent à confirmer son intervention effective, notamment lorsqu’il s’est agi de libérer, vers 123532, le Mande de la domination de Soumaoro Kante33, l’empereur de Sosso (cf. ancien royaume ou empire de Ghana34). Soundjata avait pour mère Sogolon, dont il est dit qu’elle est le double d’un buffle qui semait la terreur35 dans le pays de Dô36. Voici comment les divers récits la présentent : Dans l’épopée relatée par Niane et Kouyate, Sogolon est d’abord annoncée par un devin à la cour du roi Maghan Kon Fatta, le futur père de Soundjata : « Je vois venir vers ta ville deux chasseurs ; ils viennent de loin et une femme les accompagne, Oh, cette femme ! Elle est laide, elle est affreuse. Elle porte sur le dos une bosse qui la déforme, ses yeux exorbitants semblent posés sur son visage, mais, ô mystère des mystères, cette femme, roi, tu dois l’épouser car elle sera la mère de celui qui rendra le nom de FIG. 10 : Statue féminine, région du DIN, Mali. XIIIe-XVIIe s. Terre cuite à engobe ocre rouge. H. : 40 cm. Ex-collection Freddy Rolin. Collection Chambaud. © Hughes Dubois, Bruxelles - Paris.
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