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Sogolon la scrofuleuse 89 Depuis une quarantaine d’années, le coeur du Mali et plus précisément le delta intérieur du fleuve Niger est devenu l’une des sources qui alimentent le marché occidental en centaines de terres cuites issues de fouilles clandestines. Ces oeuvres archéologiques dites « de Djenné », dont la majorité fut produite entre le XIIIe et le XVIIe siècle de notre ère, sont en grande partie figuratives et aujourd’hui conservées dans des musées ou des collections privées. L’absence de données scientifiques sur leur contexte d’origine les livre à toutes les conjectures. Pour remédier à cette carence, nous avons fait appel aux traditions orales mandingues qui conservent la connaissance historique de la région et, tout aussi audacieusement, à l’imagerie médicale afin de risquer, pour certaines d’entre elles, une interprétation. CONJURER LA MALÉDICTION La présente contribution n’est pas un article de plus sur les sculptures en terre cuite de « Djenné », dans le sens où il ne s’agit pas d’alimenter les débats, pertinents par ailleurs, sur le pillage des oeuvres d’art maliennes2. Elle ne s’inscrit pas non plus dans le secteur des recherches archéologiques, car, comme pour la thématique précédente, bien des auteurs s’y sont consacrés avec talent et expertise, notamment suite aux rares excavations officielles qui ont pu avoir lieu3. Nous ne tenons pas à rivaliser avec ces analyses qui ont entretenu notre quête de savoir, mais qui, étonnamment, nous ont laissés profondément insatisfaits et, osons le dire, déçus. Cette déception ne provient en aucun cas d’une qualité insuffisante des travaux publiés, mais de l’impression lancinante qu’il est – qu’il devrait être – possible d’apprendre quelque chose des sculptures elles-mêmes. Nous avons nourri la conviction et l’espoir que leur étude approfondie délivrerait des informations essentielles, et ce, malgré le peu de fouilles reconnues par la communauté scientifique, malgré l’outrage qu’elles ont subi en étant, la plupart du temps, extirpées clandestinement de leur site d’origine, malgré le désir qu’elles inspirent et, surtout, malgré cette malédiction qu’elles portent aujourd’hui dans un certain milieu acadé- « Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même : c’est une morale d’état civil ; elle régit nos papiers. Qu’elle nous laisse libres quand il s’agit d’écrire. » Michel Foucault1 FIG. 1 : Statue féminine, région du delta intérieur du fleuve Niger (DIN), Mali. XIIIe-XVe s. Terre cuite à engobe ocre rouge. H. : 37,5 cm. Ex-coll. Dr Pierre Harter, musée du quai Branly, Paris. Inv. 73.1991.0.39. © musée du quai Branly ; Scala, Florence. Photo : Patrick Gries / Bruno Descoings. CARTE : Région du delta intérieur du Niger. © Tribal Art magazine / Frederic Cloth.


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