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DOSSIER 104 de Soundjata viennent ici en partie enserrer plutôt que soulever les avant-bras de Sogolon. Deux explications plausibles, et non exclusives, justifieraient une telle représentation. La première suggère que, vu le handicap physique de Soundjata, il n’est pas insensé d’imaginer que sa mère ait dû le porter au-delà de l’âge habituel du sevrage ; il existe d’ailleurs dans le corpus plusieurs exemples de « maternités » en terre cuite où la personne figurée dans le dos est un adulte, affichant certes une taille réduite, mais doté d’une barbe (fig. 25). Ces figurations d’adultes peuvent s’expliquer par le statut sacré de chefs politiques dans l’aire mande qui ne doivent pas toucher le sol, dans certaines circonstances72, mais, dans cette éventualité, il serait surprenant que l’on soit uniquement en présence de femmes porteuses. En revanche, ce peut être une allusion à la prémonition de l'homme en devenir, déjà dépositaire de ses responsabilités futures et souvent détenteur d'un pouvoir hérité de ses ancêtres qui le transforme en être majeur avant l'âge. Cette manière de voir un enfant, comme s'il était déjà investi de la maturité récupérée d'un parent qui se réincarne en lui, n'a rien d'excepdiamètre de la jambe semble largement sous-proportionné si on le compare à celui des bras et enfin, à moins d’envisager une fracture du fémur ou une grande flexibilité du corps, la position du talon paraît peu physiologique, surtout lorsque l’on observe que le dos, à l’exception de la bosse, est parfaitement droit. Il ressort de ces observations que la jambe n’appartient pas à la femme représentée, bien qu’elle fasse partie intégrante de la statue ! Pour identifier son « propriétaire », faisons à nouveau appel à la tradition orale, laquelle nous dépeint l’aspect physique de Sogolon et de Soundjata, car il est tentant d’évoquer l’hypothèse que nous serions ici en présence d’une figuration rare réunissant Sogolon et son fils sous forme d’une maternité. Dans le corpus des sculptures en terre cuite du DIN, les représentations de maternités sont fréquentes et on pourrait avancer l'éventualité que celle-ci illustre Sogolon tournant la tête à gauche, vers ce fils, déjà célèbre et âgé – il ne s’agit plus d’un bébé – qu’elle porte dans le dos. L’hyper-rotation de la tête accentue encore l’importance de celui vers qui elle dirige son attention à défaut du regard : Soundjata. Dans ce cas, les membres inférieurs de Soundjata viendraient enserrer les bras de sa mère ; d’ailleurs, la jambe qui a disparu a laissé une empreinte visible sur la partie inférieure de l’avant-bras maternel gauche. Tournant également la tête vers la gauche, il serait concevable d’envisager que la joue droite de l’enfant reposait à l’origine sur la gibbosité maternelle. Plus crédible encore, vu la manière dont Sogolon tourne les yeux légèrement vers le haut, on pourrait repositionner un Soundjata plus grand, avec un point d’attache entre son torse et la bosse. Lors de la cassure et de la perte d'une partie du corps de la mère et de l'ensemble de celui de l’enfant à l’exception de la jambe droite – le détachement traumatique de la joue droite (ou de la poitrine) en contact avec la bosse maternelle, aujourd’hui parcellaire, serait également survenu. Contrairement à la reproduction et au montage photographiques ci-contre – illustrant la position d’un enfant porté sur le dos – les jambes tionnel. On la trouve régulièrement inscrite dans le nom donné, comme par exemple « Vieux » qui signale un vieillard décédé supposé présent spirituellement dans le corps de son descendant. Cela peut aussi expliquer le lien maternel d’une personne importante. Précisément comme Soundjata, qui, outre le fait qu’il fut pris en charge (au sens propre et figuré) par sa mère pendant longtemps, lui fut également très proche et redevable. Toute l’épopée, jusqu’à la mort de Sogolon, est construite sur cet attachement profond73 qui correspond aux codes de conduite dans l’aire FIG. 23 : À titre d’illustration contemporaine, voici des instantanés d’un match qui tenait du mélange des genres entre football et handball, tel que pratiqué par des joueurs congolais souffrant d’une paraparésie. Extraits du film de Thierry Michel Zaïre, le cycle du serpent, produit en 1992 par Arte France, les Films de la Passerelle, La Sept Arte et la RTBF. FIG. 24 : Montage photographique réalisé à partir du CT-scan opaque de la figure 1 et du portrait d’une jeune femme ougandaise portant son enfant sur le dos, photographié e en 1936, sur la route joignant Hoima à Fort Portal. © Dr Marc Ghysels, Bruxelles. Photo : Eric Matson.


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